L'art en partage
L'art en partage
Par Mickaël Roy, pour le magazine Novo, octobre 2014
Interface poursuit son travail de promotion de l'art actuel en ouvrant son lieu à l'intervention de l'artiste Benedetto Bufalino qui, d'habitude coutumier de l'espace public, transforme pour l'occasion l'appartement/galerie dijonnais en un terrain de tennis...
Quand il parle de son travail, Benedetto Bufalino, un sourire dans la voix, est aussi sérieux qu'amusé. Son leitmotiv ? Rendre concret ce qui n'était encore jusque là qu'une intuition nébuleuse et produire ainsi de l'utopie réalisée. Car il s'agit bien de donner lieu à des formes inattendues, appelées à prendre position dans l'espace public par l'intermédiaire d'une technicité héritée sans aucun doute de sa formation de designer d'espace. C'est ainsi que, des arts appliqués à l'art contemporain, son intérêt pour le repérage de contextes ordinaires l'amène à produire en retour, en tant que plasticien désormais, des formes et des situations qui de détournements en manipulations interpellent par leur incongruité situationnelle et appellent à la participation, par leur dimension relationnelle.
Les créations de Benedetto Bufalino sont toujours des surprises. Il y a en effet de la fête, de la légèreté et de l'insouciance dans les images qu'elles produisent. Et pour cause, l'amusement vaut par sa qualité éphémère. Dans le travail de Benedetto Bufalino, rien n'est fait pour durer. Mais pour apparaître et pour disparaître, et surtout pour se déplacer. Ses oeuvres, dites "contextuelles" procèdent justement d'une certaine forme de collage entre des entités, des formes et des territoires a priori incompatibles. Mais elles trouvent à s'équilibrer néanmoins. En attirant la curiosité de ceux à travers le regard et le corps desquels l'œuvre deviendra un terrain d'attention et d'exploration. En permettant à des étudiants de jouer une partie de ping-pong sur le capot d'une voiture. En installant une guirlande de voitures clignotantes dans une rue de Singapour ou une cabine téléphonique aux allures d'aquarium à Londres. Ou encore en faisant d'une voiture un barbecue « auto-grill » au bord du lac de Lugano en Suisse, avec convivialité et auto-dérision.
Au détour de certains de nos espaces quotidiens, Benedetto Bufalino produit de l'extra-ordinaire, des chuchotements, de la conversation, du débat et ce faisant, du lien social. « Recevoir une forme, c'est créer les conditions d'un échange, comme on retourne un service lors d'une partie de tennis » écrivait à ce propos Nicolas Bourriaud dans un ouvrage théorique 1 qui posait le postulat d'une esthétique relationnelle. Plus d'une décennie plus tard, l'association Interface prend le philosophe au mot en invitant l'artiste lyonnais à proposer aux visiteurs de s'équiper en conséquence pour vivre l'expérience d'une installation sportive, pensée spéciquement pour le lieu comme un espace de sociabilité... et pour envisager l'art comme un terrain de jeu où les idées fusent tels des coups droits et des revers. Au risque de dépasser la ligne blanche. Mais peu importe, car, puisque « l'art est un jeu », comme le disait Max Jacob, « tant pis pour celui qui s'en fait un devoir. » 2