La dynamique des paysages
La dynamique des paysages
Par Bertrand Stofleth et Geoffroy Mathieu, février 2008
Étape de l'Observatoire Photographique du Paysage du Parc Naturel Régional des Monts d'Ardèche (2005-2015)
La photographie est par sa nature un médium efficace pour documenter l'état du monde et son évolution. En imposant un point de vue fixe et unique, elle a le pouvoir de synthétiser en son cadre une multitude d'informations tout en produisant une représentation formelle et sensible du monde. Entre art et document.
Un observatoire photographique du paysage consiste à mettre en place, sur un territoire, une veille photographique afin d'évaluer ses évolutions. Dans ce type de projet, il s'agit pour le photographe de produire un objet esthétique capable à la fois de prendre sa place en tant qu'œuvre artistique et comme production documentaire, faisant ainsi sens dans d'autres domaines (historique, sociologique, géographique...). L'intention étant que l'ensemble des acteurs du territoire, du technicien d'aménagement au touriste, de l'élu à l'habitant, de l'agriculteur à l'industriel puissent s'approprier ces représentations.
L'observatoire photographique du paysage s'inscrit dans la longue tradition de la commande photographique, commencée dès 1851 par la Mission Héliographique. Cette tradition s'est poursuivie par la commande de la Farm Security Administration (FSA) entre 1935 et 1942 qui documenta la vie rurale des États-Unis touchés par la Grande Dépression, en France entre 1983 et 1988 la DATAR permit à des photographes de créer de nouvelles représentations du territoire.
Notre démarche a été, au delà du relevé topographique, d'établir un état des lieux, reconduit de saison en saison, d'année en année. Nous avons pour cela recherché nos points de vues selon une démarche d'arpentage du territoire systématique, aléatoire et empirique, avec cette mission que nous nous sommes donné : produire une œuvre autant pédagogique qu'esthétique.
Nous avons pris soin de rendre compte de la diversité et de la richesse des espaces parcourus. Notre intention s'est doublée d'une volonté d'organiser ces territoires comme autant de sculptures ou d'installations réalisées par la main de l'homme, par l'environement, ou par l'écoulement du temps. Nous avons ainsi peu à peu pris la mesure de l'épaisseur de ces paysages, comme si il s'agissait de couches de sédiments superposés.
Les multiples temporalités rencontrées à travers les paysages parcourus nous ont conduit à établir une sorte d'archéologie prospective du paysage. De sites supposés à forts potentiels de mouvements à d'autres vraissemblablement figés, nous avons cherché à décliner à travers nos photographies, et leurs reconductions à venir, les différentes potentialités d'un même lieu.
Envisager un territoire avec une telle perception, c'est proposer une vision singulière d'un paysage qui devient un objet esthétique, une somme d'intentions et d'abandons en devenir. C'est un jeu intellectuel qui propose une vision dynamique du paysage.