David Wolle
Dossier mis à jour — 01/06/2016

Textes

Texte de Anne Giffon-Selle

Pour l'exposition Le Pan, la Pente, Le CAP, Saint-Fons, 2015

Texte de David Bioulès

2014

Texte de Bernard Ceysson

2007

David Wolle peint délibérément de petits tableaux insolites d'où émane la sensation d'une inquiétante étrangeté, d'autant plus inquiétante que leurs titres et ce qu'ils représentent nous portent de prime abord à sourire. On songe à nos rêves enfantins, à nos envies de banquets dans des palais-gâteaux aux formes alléchantes, à des architectures de guimauves à dévorer, à des agrégats orgiaques de pastilles et de crèmes, à des bretzels caramélisés. Mais ces goûters fastueux à l'instar des festins libertins du XVIIIe siècle nous annoncent les désenchantements et les désillusions des lendemains de fête, des aubes d'après ripailles. Ces crèmes bleues et roses, ces montagnes neigeuses de Chantilly où s'engluent des pastilles acidulées, s'affaissent en rejets visqueux, se liquéfient en flaques de vomissures ignobles. Tout soudain se défait leur beauté si décorative. Nous chavirons, écœurés, jusqu'à tourner de l'œil. Mais alors que nous commençons à ressentir, en face de ces constructions molles, comme Claudel devant les natures mortes hollandaises, l'emprise implacable et inexorable du temps défaisant leurs agencements raffinés, la peinture reprend ses droits et impose, sur son fil du rasoir, un équilibre entre la jubilation et la mélancolie. Parce que David Wolle peint à l'ancienne avec une effarante modernité. Il porte presque au trompe-l'œil par le jeu, dans la perspective rigoureuse de ses mises en scène, des valeurs colorées et lumineuses, ses savantes constructions de pâtisseries et de confiseries incertaines. Il use d'une coloration claire et suave, passée en couches légères qui lui octroient les transparences du lavis. Cette coloration nous rappelle le chromatisme émaillé d'un Bronzino et de quelques peintres maniéristes, mais accommodé à la sauce de la séduction des coloriages pop, ceux de Mel Ramos ou de David Hockney. Ou, plutôt à celle, tout aussi séduisante, des gammes légères, pastellisées et fades, des lactescences mortifères et cryogéniques de certaines peintures et vidéos de Matthew Barney.

Chez qui s'attarde devant ces bâtis crémeux, si fermement architecturés dans leur douce mollesse, se lèvent bien d'autres réminiscences. David Wolle semble y avoir condensé et cristallisé les composants de son musée imaginaire. On peut voir, c'est selon, dans ses œuvres une sorte de reprise pop et postmoderne de Fautrier. Mais dont les « cataplasmes de vomissures » auraient la légéreté des beignets soufflés de crevettes chinois aux saveurs innervantes. On se laisse aller encore à évoquer les paysages lunaires de Tanguy peuplés de formes cartilagineuses, mais aussi les formes molles et médusantes de Dali, voire l'onirisme antique et tragique de Chirico. On peut tout aussi bien se remémorer ces « vues » de ville idéales qu'aimaient à figurer les intarsiatori de la Renaissance dans le sillage des propositions urbanistes de Laurana et de Francesco di Giorgio Martini, prémices inquiétantes de ces architectures panoptiques et totalitaires dans lesquelles les deux monstres calamiteux du XXe siècle, le fascisme et le communisme, ont voulu esthétiser le réel. On en sait le contrepoint infernal. Les architectures de David Wolle figurent une réponse "enfantine" au cauchemar. Un chant d'oiseau ? Elles s'enchantent en n'esquivant pas le désenchantement qui adviendra et sera sans recours. D'où ces titres comme extraits de contines, de murmures d'enfants, une expression par onomatopées en quelque sorte infans, une langue secrète, comme pour exorciser les législations terrorisantes de la destruction de l'espèce humaine.

David Wolle incarne d'abord ses formes pâtissières dans de la pâte à modeler. Puis peint, "portraitise", en quelque sorte, ses petites sculptures. Une fois figurées sur la toile, il les détruit. Comme le fait un enfant bâtisseur de châteaux et de palais de cubes, de sable, de carton, etc. Ses peintures sont belles. C'est ainsi.