Société Véranda
SOCIÉTÉ VÉRANDA
Projet collaboratif avec Florian de la Salle
depuis 2010
Société Véranda est un collectif d’artistes composé d’Émilien Adage et de Florian de la Salle, né lors d’une résidence commune au sein de l’UFR Histoire de l’art et Lettres du domaine universitaire de Saint-Martin-d’Hères. Dès 2010, leurs actions se portent sur un travail de maintenance des commandes publiques présentes en nombre sur le domaine universitaire. Cette initiative se conclue par la découverte d’une œuvre de Jean-Pierre Raynaud à Saint-Martin-d’Hères, ensevelie sous des végétaux, Tumulus.
— Lire le texte Jean-Pierre Raynaud ou la métamorphose à vif de Jean-Pierre Zarader, 2012 ↗
— Voir le dossier de Florian de la Salle sur documents d'artistes Nouvelle-Aquitaine ↗
L'obscène Société Véranda
Leur nom aurait dû nous mettre sur la piste de la révélation que ces deux personnages allaient placer dans nos pattes.
Le premier, Émilien Adage devait être l'élément déclencheur. Comment croire encore en une vérité admise ? Florian of the Room, australien par intermittence, nous cachait son véritable nom : Florian de la Salle. Ce subterfuge vieux comme le monde n'aura pas su nous mettre la puce à l'oreille quant aux intentions des deux compères. Ils allaient durant un mois s'évertuer à mettre en évidence notre incapacité à regarder, découlant de notre impuissance à agir.
Étape inaugurale.
Ils étaient partis pour créer une société au nom de notre résidence, la Société Véranda. Ce qui nous semblait être un moyen de faire remarquer leur présence en orientant la lumière vers leur production artistique par l'apparition du monde entrepreneurial au sein du monde universitaire, allait en réalité se révéler être une technique pour se fondre au sein de celui-ci. En effet, rien ni personne ne semblait surpris de voir deux jeunes hommes déambuler dans les couloirs, les ascenseurs ou les salles de la bibliothèque munis de leur escabeau et de quelques néons, prises ou autres outils indispensables à la maintenance électrique du bâtiment. Petit à petit, les éléments défectueux étaient remplacés sans que personne ne s'en rende vraiment compte mais tout en provoquant un sentiment spécial, comme si d'un seul coup tout roulait. Plus besoin de demander l'intervention du service électrique en passant par la secrétaire du Directeur Général des Services, etc., etc., etc., les petits désagréments étaient effacés sans que personne ne s'en soit occupé.
Étape centrale.
Assez vite, d'autres dysfonctionnements se révélaient. Notre campus était jonché de ce qui furent des œuvres édifiées dans le cadre du programme « 1% artistique ». Exceptées quelques pièces de Calder ou de Vilmouth, l'intérêt des services de maintenance semblait limité envers les différentes propositions, mais la Société Véranda devait y remédier. Armés de Kärsher, échelle, tuyau d'arrosage, cisaille et paires de bottes, nos amis allaient remettre, pour quelques temps, les pièces d'Edgar Pillet, Jean-Claude Barrère,… et Jean-Pierre Raynault en état de marche. Je me permets de mettre en exergue le nom de ce dernier car voici une œuvre, Tumulus, mise dans l'ombre par les difficultés d'ordre politique pour entretenir les biens culturels. Au point que, composée d'une abondante végétation, celle-ci avait très facilement emporté son combat contre l'homme qui partait de toutes les manières battu d'avance puisque dans une attitude d'abandon. C'était sans compter sur la Société Véranda qui, un soir de septembre décida, devant une dizaine de curieux, d'entamer sa redécouverte à coups de machettes, devenant pour l'occasion un nouveau Machu Picchu.
Finalisation.
Comment rendre compte d'une activité forcément souterraine ? La vidéo comme témoin mais pas seulement. On trouve dans leurs propositions deux types de montage. Le premier est un plan séquence pour Mean Time of Evaporation qui devait rendre compte de l'action de vouloir remplir d'eau un bassin asséché. Action qui se révéla infructueuse mais dont la vidéo démontre bien le professionnalisme amateur de cette équipe.
Le second est différent. Il s'agit pour Mean Time of Exploration de mettre en scène l'ascension vers l'œuvre. Pas à pas nous sommes invités à imaginer puis à se laisser révéler ce que nos nouveaux explorateurs avaient à nous offrir.
La Société Véranda fait partie de ceux qu'on ne regarde pas, pour mieux observer ce qu'ils nous donnent à voir. Si elle fait partie des entreprises obscènes, hors scène, en dehors de la scène, c'est pour mieux « donner à voir ce qui ne devrait pas être vu »1. En effet, la Société Véranda en adoptant une attitude de la maintenance envers les bâtiments, tout comme envers les 1%, est en train de remettre en scène, voire de remettre en selle des œuvres jusque là bien mises ob-scènes par notre société.
– Anthony Lenoir