Un jardin clos entre centre ancien et une ville nouvelle - l'expérience d'Emmanuel Louisgrand en son jardin à Istres
Un jardin clos entre centre ancien et une ville nouvelle - l'expérience d'Emmanuel Louisgrand en son jardin à Istres
Par Cyril Dumontet, conservateur, directeur du centre d'art contemporain avec jardins et paysage
Le projet "art contemporain... avec jardins & paysage" a été initié avec le jardin expérimental proposé par Emmanuel Louisgrand, boulevard de Vauranne à Istres, pour trois saisons, parallèlement à la réalisation de sept expositions réunissant une quinzaine d'artistes en intérieur et en extérieur étalées sur deux années, à l'initiative du Centre d'Art.
Le travail d'Emmanuel Louisgrand comporte une véritable spécificité à la fois dans l'approche du sujet et dans sa réalisation. L'auteur est un jardinier attentionné et un cultivateur de fond, tout en ayant un authentique parcours d'artiste, après un diplôme aux Beaux-Arts de Lyon. Comment passe-t-on d'un jardin de jardinier à un "jardin d'artiste" devient ici une question sans fondement : outre l'intention affichée et validée par l'institution, c'est la capacité de l'artiste à transformer un lieu en œuvre qui est ici pleinement et simplement en jeu. Le terrain du jardin une fois clos devient l'espace de l'organisation à la fois réelle et symbolique de l'expérience de l'art.
La différence dans le travail peut apparaître mince, elle est radicale à l'arrivée : il s'agit en fait d'une différence qualifiante comparable à celle de la photographie dont le statut (et la réalité mais non pas la qualité) est à distinguer entre le propos du plasticien qui utilise le médium de la photographie et le photographe professionnel. L'enjeu se situe uniquement sur la pertinence du résultat au regard du statut affiché.
En assimilant les nécessaires compétences d'un paysagiste-jardinier, l'artiste établit une nouvelle distinction public/privé par son intervention sur une parcelle communale soustraite à l'usage autre que visuel et olfactif, tout en brouillant les frontières des champs traditionnels de l'art (mais aujourd'hui l'art est un projet qui envahit tous les domaines). La porte refermée, l'artiste, lui seul, se trouve plongé à l'intérieur de l'œuvre avec ses dispositifs d'assemblage de végétaux.
Cette situation de gestion de la croissance des plantes dans leur diversité correspond à une intervention sur la durée de l'œuvre. Au delà de la gestion des coloris et des rythmes de la croissance (terre ensemencée, levage, pousse, éclaircissement, gestion des adventices, floraison, exubérance, dessiccation), le public est donc convié non pas au spectacle d'un "résultat" mais à l'organisation d'une évolution, au mûrissement d'un désir. Ce tapis abstrait qui lève et se modifie, s'installe dans la précarité passagère de la croissance programmée d'un assemblage de plantes, est aussi un étirement du quotidien, une intervention du temps sur l'espace.
L'espace réglementé enserré dans le tissu péri-urbain se trouve ainsi sous le ciel des saisons réhabilité à la vue de tous comme un espace utopique envahi de végétaux où se mêlent à l'envi fleurs et légumes, arcades de tonnelles et poules effrontées sous leur parcours grillagé. Le projet artistique conduit à concentrer dans un espace enclos les paradoxes de l'ordre du naturel et de l'artifice qui sont bien sûr ceux dont le conventionnel social nous pèse tant d'ordinaire.
Ici modestement plantés comme une courge, ces vieux paradoxes prennent d'assaut les grilles de nos certitudes et tranquillement, sans concept préétabli, mûrissent en citrouilles rouges des rêves oubliés de première humanité.
Le travail d'Emmanuel Louisgrand comporte une véritable spécificité à la fois dans l'approche du sujet et dans sa réalisation. L'auteur est un jardinier attentionné et un cultivateur de fond, tout en ayant un authentique parcours d'artiste, après un diplôme aux Beaux-Arts de Lyon. Comment passe-t-on d'un jardin de jardinier à un "jardin d'artiste" devient ici une question sans fondement : outre l'intention affichée et validée par l'institution, c'est la capacité de l'artiste à transformer un lieu en œuvre qui est ici pleinement et simplement en jeu. Le terrain du jardin une fois clos devient l'espace de l'organisation à la fois réelle et symbolique de l'expérience de l'art.
La différence dans le travail peut apparaître mince, elle est radicale à l'arrivée : il s'agit en fait d'une différence qualifiante comparable à celle de la photographie dont le statut (et la réalité mais non pas la qualité) est à distinguer entre le propos du plasticien qui utilise le médium de la photographie et le photographe professionnel. L'enjeu se situe uniquement sur la pertinence du résultat au regard du statut affiché.
En assimilant les nécessaires compétences d'un paysagiste-jardinier, l'artiste établit une nouvelle distinction public/privé par son intervention sur une parcelle communale soustraite à l'usage autre que visuel et olfactif, tout en brouillant les frontières des champs traditionnels de l'art (mais aujourd'hui l'art est un projet qui envahit tous les domaines). La porte refermée, l'artiste, lui seul, se trouve plongé à l'intérieur de l'œuvre avec ses dispositifs d'assemblage de végétaux.
Cette situation de gestion de la croissance des plantes dans leur diversité correspond à une intervention sur la durée de l'œuvre. Au delà de la gestion des coloris et des rythmes de la croissance (terre ensemencée, levage, pousse, éclaircissement, gestion des adventices, floraison, exubérance, dessiccation), le public est donc convié non pas au spectacle d'un "résultat" mais à l'organisation d'une évolution, au mûrissement d'un désir. Ce tapis abstrait qui lève et se modifie, s'installe dans la précarité passagère de la croissance programmée d'un assemblage de plantes, est aussi un étirement du quotidien, une intervention du temps sur l'espace.
L'espace réglementé enserré dans le tissu péri-urbain se trouve ainsi sous le ciel des saisons réhabilité à la vue de tous comme un espace utopique envahi de végétaux où se mêlent à l'envi fleurs et légumes, arcades de tonnelles et poules effrontées sous leur parcours grillagé. Le projet artistique conduit à concentrer dans un espace enclos les paradoxes de l'ordre du naturel et de l'artifice qui sont bien sûr ceux dont le conventionnel social nous pèse tant d'ordinaire.
Ici modestement plantés comme une courge, ces vieux paradoxes prennent d'assaut les grilles de nos certitudes et tranquillement, sans concept préétabli, mûrissent en citrouilles rouges des rêves oubliés de première humanité.