Ludovic Paquelier
Dossier mis à jour — 18/10/2022

Textes

INTRODUCTION

Par Ludovic Paquelier, 2013

SELLES DE VÉLOS ET IMPALAS NOIRES : LE MONDE DILIGENT DE LUDOVIC PAQUELIER

Par Madeleine Aktypi
Catalogue monographique, Éditions ADERA, 2010

COMIC TROMPE-L'ŒIL

Par Patrice Joly
Dans le cadre des Galeries Nomades de l'Institut d'art contemporain, Villeurbanne / Rhône-Alpes
Supplément Semaine n°10, Analogues, maison d'édition pour l'art contemporain, Arles, 2007

On se souvient de la fortune qu'ont connu outre-Atlantique des artistes comme Raymond Pettibon ou Daniel Johnston, dont la pratique, sans être exclusivement dédiée ou inspirée de la bande dessinée ou des genres mineurs tels que la science-fiction, semble tout droit sortie des magazines ou des comics, sans retouche ou remise au format pour pouvoir s'insérer à l'intérieur du white cube : les dessins d'un Raymond Pettibon, par exemple, n'ont guère varié du format A4 qu'il a toujours affectionné et qu'il a toujours imposé à ses galeristes sans que ceux-ci y trouvent à redire. Les artistes issus de cette scène en France n'ont pas toujours eu ce même privilège et il semble bien que cette tendance, pour y exister pleinement, ait dû s'armer des autorisations du "grand art". Autrement dit, une pratique extraite de ces genres "mineurs" que sont la bande dessinée ou les strips des magazines ne peut s'afficher sur les cimaises que sous l'égide de son appartenance à un autre genre, supposé plus noble, celui de la peinture.
Par ailleurs, cette nécessaire labellisation n'est pas anodine puisqu'on sait ce qu'est capable de produire un artiste sous l'effet de la contrainte. Cette dernière pouvant être source de production inédite, de même qu'elle est susceptible de réagir en retour sur les définitions d'un paradigme pictural en constant remaniement, en perpétuelle réévaluation. Ainsi, on pense forcément aux travaux d'un Stéphane Calais dont les emprunts multiples à ses auteurs de bande dessinée favoris, les Moebius et consorts, en extrayant certains passages et en grossissant démesurément certains fragments, tendent à abstractiser ces derniers, ce qui a pour effet par ailleurs d'annuler toute dimension narrative inhérente à l'idée de bande dessinée. Car il s'agit le plus souvent dans une bande dessinée, quel que soit son coefficient de complexité ou d'intellectualisme, de développer un récit qui se lit généralement de la gauche vers la droite ; de même que le cinéma fait disparaître toute potentialité critique ou réflexive au profit d'une prise en charge sensorielle du spectateur – du moins en ce qui concerne le type de cinéma et de bande dessinée qui sont visés ici, des BD et du cinéma qui mettent en scène des scénarios linéaires, narratifs ou encore "héroïques".
Dans les peintures ou les wall paintings de Ludovic Paquelier, c'est bien à ce genre de cinéma ou de bande dessinée qu'il est fait allusion. Sans vouloir nullement opérer la moindre hiérarchisation entre bande dessinée, cinéma et peinture, il est clair que toute opération de "transfert" des deux premiers univers vers le dernier annule les présupposés des deux premiers, annule l'histoire, quand il y a histoire, la psychologie, quand il y a psychologie : cette vampirisation a tendance à faire de la peinture un élément absorbant, au sens où le zéro est l'élément absorbant de la multiplication. Évidemment, cette constatation a bien du mal à s'opérer quand on a affaire à un cinéma ou à une BD expérimentale, dont les caractéristiques propres ont tendance à converger vers celles de la pratique picturale.
Par ailleurs, outre ces considérations sur le médium, l'entreprise d'emprunt de Paquelier ne se cantonne pas à ces deux sources. Il y a une véritable gloutonnerie chez le jeune artiste qui puise un peu partout dans l'iconographie qui l'entoure : journaux, magazines, etc. Cependant, cette iconographie est une iconographie marquée, qui a un petit côté "fin du monde" et ce thème, qui est un des thèmes privilégiés de la science-fiction, s'accompagne généralement de son corollaire qui n'est autre que la reconstruction. Aussi, dans le travail de Paquelier, dans sa manière – foisonnante et débridée – de recréer des mondes à partir des débris de celui qui meurt, à partir d'images de ses objets abandonnés et de ses héros fatigués, on pourrait déceler une métaphore de la peinture, qui malgré une mort régulièrement annoncée, n'a de cesse de refleurir, de repartir avec une nouvelle énergie conquérante. Et même si la question du médium pictural qui a occupé les débats de la dernière moitié du XXe siècle s'est complètement diluée dans l'explosion d'une pratique tous azimuts qui a fait vaciller le carcan théorique des derniers héritiers de Greenberg, il n'en demeure pas moins que ces vieilles questions sur l'illusion, le support, le fond, la figure, etc., résistent à leur enfouissement et résonnent avec de jeunes travaux qui les abordent sans complexes. Ainsi la prolifération sur les murs de l'espace, en brisant les limites du cadre, fait aussi voler en éclats les notions de théâtralité et d'illusionnisme qui conditionnent notre rapport à la représentation ; la recombinaison des sources multiformes et polysémiques dont sont faites ses grandes compositions murales collapsent les notions de "sujet", de source, de motif...
Au final, derrière ces ambiances héroïco-trash en trompe-l'œil, n'est-ce pas la question de la régénération de la peinture qui est en jeu dans le travail de Paquelier, de l'éternel retour à une pratique qui ne dit jamais son dernier mot ?