I wish I could tell you about the south pacific
I wish I could tell you about the South Pacific
Par Bénédicte Le Pimpec, 2010
"I wish I could tell you about the South Pacific" telle est la phrase introductive de la série de nouvelles intitulées Tales of the South Pacific de James A. Michener, parues en 1948, dont s’inspire le titre de l’exposition [Tales of the South Pacific, Stargazer, Genève]. Michener y relate par de courts récits, les épisodes de guerre menés par l’armée américaine dans le Pacifique Sud. À la manière d’un conteur, il évoque avec ambiguïté la beauté des îles, tout en abordant les conflits qui font rage ainsi que les différences culturelles inévitables entre soldats et autochtones.
Maxime Bondu semble fonctionner sur le même mode. À la manière d’un historien, il fouille, cherche et travaille à partir d’archives et de documents afin de construire ses récits, qui sont imprégnés d’un passé historique lourd et d’une poésie déconcertante.
D’un côté, un point de vue rêveur sur le pacifique sud, de l’autre un questionnement sur la conquête de l’espace. Qu’il soit lieu d’expérimentation, ou de colonisation, la question de l’espace est toujours affaire d’appropriation.
Avec la collection de l’île de Guam, il nous offre une vision heureuse et mélancolique, paysages presque clichés, montagneux et désertiques sur fond d’océan. La faune, la flore, les habitants, les coutumes, les paysages idylliques, nous font presque oublier que cette île n’est pas qu’un paradis. Colonie espagnole, puis lieu de conversion forcé au catholicisme, elle est cédée aux États-Unis qui en font une base d’escale aérienne. Occupée un temps par les Japonais, elle est reprise par les USA en 1944 et devient en 1950 une base militaire. Maxime Bondu choisit de nous montrer la totalité de sa collection (480 diapositives), rephotographiée sur une table lumineuse, organisée et transformée en planche contact.
De l’intégralité de cette collection, il choisit d’extraire une image et de nous la présenter à part. Cette photographie est retirée et agrandie mais surtout remasterisée par l’artiste. Cet acte, plus encore qu’une simple restauration, devient ici une réinvention de morceaux de paysages. Les trous sur le film positif causés par l’usure du temps ont été complétés systématiquement, cherchant la bonne couleur, la bonne texture. Souvenirs de guerres ou de vacances, cette photographie n’est plus que le souvenir d’une conquête, ou conquête actuelle de l’artiste.
Les fauteuils tournés vers cette photographie dégagent différents sens. Ces chaises, appelées "Westport chair" ou "Adirondacks", font partie du mobilier traditionnel de la région des grands lacs aux États-Unis. Elles sont utilisées pour le confort, le repos et surtout la contemplation du paysage. Maxime Bondu en fait ce qu’il appelle des "sculptures documentaires" qui sont extraites d’une image, et déclinées d’un précédent travail de l’artiste qui apparaît ici sous la forme d’une photocopie. Là encore, il y a une ambiguïté entre la contemplation et ce que ces hommes contemplent ; soit une explosion nucléaire. Ces chaises sont assez incongrues dans un tel contexte, surtout lorsque l’on sait que l’image a été faite sur un porte-avion. Maxime Bondu oscille entre contemplation et terreur, se référant sans cesse au contexte de son exposition qui semble refléter les névroses de l’homme postmoderne.