On ne change pas... On met juste les costumes d'autres sur soi…

— novembre 2024

À l’heure des selfies et de la mise en scène perpétuelle de nous-mêmes, ce parcours thématique vous invite à rencontrer des personnages qui avancent masqués.

En se cachant derrière des cristaux de roche chez Gaëlle Foray, des bas de cambrioleurs, de la fumée, des chapeaux de fleurs chez Delphine Balley, ou encore des figures d’animaux chez Keiko Machida, ils nous incitent peut-être à regarder à l’intérieur du moule, à nous « creuser la tête » comme le fait Baptiste Croze, pour finalement plonger dans leurs pensées. Derrière ces avatars mystérieux et insaisissables, peuvent surgir les mots joyeux de Marie-Claire Mitout ou le spectre varié des émotions humaines, allant « des traumatismes aux amours » de Ludovic Boulard Le Fur.

Mais si l’on s’approche encore un peu, que se passe-t-il lorsque l’on glisse la tête dans un carton percé de deux trous ? Le Gentil Garçon nous offre-t-il l’occasion d’une rencontre à l’aveugle ou bien l’opportunité de voir à travers le regard d’un·e autre ? Comme l’affirme Henri Michaux, dont la citation donne son titre à l’un des portraits énigmatiques aux multiples visages de Jean-Claude Guillaumon, « on n’est jamais seul dans sa peau ».

En parcourant cet ensemble d’œuvres, l’on se demande s’il ne s’agirait pas d’une invitation à jouer, à notre tour, avec les costumes et les accessoires, les casquettes fétiches d’Émilien Adage, les gants thermosensibles de Bruno Silva, les tresses antiques des chimères de Lisa Duroux ou encore les coiffes des déesses de Françoise Vergier, pour mieux embrasser l’infinie diversité de nos identités mouvantes.

Proposition de Leïla Couradin
Commissaire d’exposition et critique d'art indépendante (membre de c-e-a et de l’AICA), Leïla Couradin s’intéresse aux liens qu’entretiennent les arts visuels et la littérature, ainsi qu’aux pratiques collectives du champ de l’art, pensées comme vectrices de convivialité.

— Liste des artistes cités :

  • Gaëlle Foray
  • Delphine Balley
  • Keiko Machida
  • Baptiste Croze
  • Marie-Claire Mitout
  • Ludovic Boulard Le Fur
  • Le Gentil Garçon
  • Jean-Claude Guillaumon
  • Émilien Adage
  • Bruno Silva
  • Lisa Duroux
  • Françoise Vergier

De cadence et d'amour

— De cadence et d'amour

Exposition en duo avec Julie Kieffer, Le Polaris, Corbas, 2023

Dans l’exposition De cadence et d’amour, Lisa Duroux et Julie Kieffer présentent une nouvelle installation rythmée par diverses chimères.
Les figures - ou plutôt les corps - de créatures subaquatiques aussi séduisantes que les sirènes d’Homère et les carrosseries rutilantes du salon de la moto, glissent à la surface de l’espace.

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Selon les mythes, déployant leurs ailes synthétiques, elles se meuvent parmi les cerfs-volants, nagent aux côtés de l’homme poisson et du triton soufflant dans sa conque ou arpentent le paysage à grandes enjambées. Leurs chaussures, massives et grotesques, semblant sortir tout droit d’un roman d’anticipation, ne font qu’accentuer l’ambiguïté de la présence de mystérieux corps disloqués. Se donnant en spectacle sur différentes scènes, les silhouettes volatiles dessinent les contours de personnages queer fantomatiques, dont les mouvements ondoyants guident aussi bien le regard que les pas. Ici tout circule de manière imperceptible. Comme parcourus par un courant électrique, ancrés dans le sol et tendus vers le ciel, ces mutants immobiles pourraient se mettre à danser, à tournoyer autour de nous au rythme d’une musique électro silencieuse, comme dans un rituel chamanique, ou une fascinante parade nuptiale.

Ailleurs, assemblés sur des peaux, des fragments d’anatomie mythologique ou des protections de moto-cross révèlent paradoxalement et en négatif l’absence d’un corps unifié. Pourtant, éminemment charnelle, l’exposition s’avère être incarnée. Les êtres multiples et changeants, alanguis ou suspendus sont traversés par un souffle de vie lointain, tant leurs matérialités, de la céramique au cuir vernis en passant par le bronze patiné, rappellent des techniques traditionnelles immuables. Les formes aussi racontent différents moments de l’histoire des arts, en Méditerranée, quelque part entre la Grèce et l’Italie, où la végétation est invasive et tentaculaire, où les colonnes ne soutiennent plus les toits des temples, où les coquillages sont des instruments de musique, et où les sirènes remplacent les cariatides.

Les images, odeurs et textures qui habitent les pensées de Lisa Duroux et Julie Kieffer font alliage pour devenir des oeuvres hybrides, façonnées ou tissées, qui invoquent d'étranges pratiques marginales, le cyber-junk, la musique populaire et le nail art, tout autant que le jeu et la littérature fantastique de l’imaginaire. Narrative et fluide, l’exposition elle-même se métamorphose au gré d’assemblages surréalistes, de cadence et d’amour.

Photos : © Jules Roeser

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Vue de l'exposition


Les mules du scaphandrier au fond de l’eau

avec Julie Kieffer
dimensions variables
néoprène, cuir, sangle et textile de cerf-volant
2023


Dessus :
Les mules, 30 x 12 x 12 cm, grès noir, 2022
Le fou, 100 x 9 x 9 cm, grès blanc, 2023
Pompei, 90 x 25 x 4 cm, grès marbre, 2023

— Sourcière
dimensions variables, plâtre, cuir, simili cuir, faïence blanche, 2023

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— C’est bien une tension. C’est de l’adrénaline.
sculptures de Julie Kieffer, sangles et bronzes, réalisées avec Studio Ganek, à la Fonderia Artistica Battaglia, Milan, 2022

— My hippo smile
moule en plâtre, sangle, 2023

— Plans d’évasion
dessin sanglé de Dario Virot-Duroux, feutre vert sur papier ramette, 2023


À droite :
Cycas,
avec Julie Kieffer
résine, loofah, chaines, tresse synthétiques, grès noir chamotté (multiple produit a l’École Municipale d'Arts Plastiques de Corbas)
2023


À gauche, en suspension :
Son aile s’est accrochée avec lui,
avec Julie Kieffer
textile de cerf-volant, filet polyester, épine de pin méditerranéen
2023

— Talweg, géomètre
90 x 25 x 4 cm, grès marbré, 2023

— Firost
46 x 28 x 3,5 cm, grès marbré chamotté, 2023

— Grin like a Chester cat, (tout le monde est fou ici)
20 x 14 x 14 cm, faïence blanche, 2022

— Sourcière #1
32 x 20 x 11 cm, plâtre, 2023


Multiple original en série limitée réalisé avec Julie Kieffer
90 x 25 x 4 cm, grès noir, produit à l’École Municipale d’Arts plastiques de Corbas
2023


Collage d'images numériques