Arièle Bonzon
Dossier mis à jour — 31/05/2016

L'espace et l'intime

L'espace et l'intime (extrait)
Par Nelly Gabriel, 2005

(...) « Du Maroc, Arièle Bonzon a ramené des paysages, une idée de l'espace et de sa traversée. (...) Paraphrasons Montaigne. Du désert, de ses ergs et de ses regs, de ses oasis, Arièle Bonzon ne photographie pas l'être, la permanence, elle photographie le passage. Son passage. Le mouvement de son regard dans le paysage immobile. L'effet de l'inscription de son corps en mouvement dans l'espace. D'où le bougé, le flou dans l'image, ce velouté si familier au myope. L'artifice du procédé surprend d'abord quand on découvre ses images, mais le résultat est si probant, qu'il convainc immédiatement. Il permet en effet, même si l'on s'en étonne, de dire plus, de dire mieux. Sans doute parce qu'Arièle Bonzon, dans l'impression de ses photos, a su trouver la technique adéquate pour traduire le sentiment existentiel qu'elle cherchait à faire passer.
Pictorialité délicate et douce, sensualité suggestive, matité veloutée qui donne une épaisseur troublante de pigments naturels aux coloris, et de la profondeur au noir..., ces images, d'une grande séduction plastique rappellent l'aspect du pastel sec, évoquent des fondus d'aquarelle, ou encore le grenu de dessins à la pierre noire. Sans trop parler cuisine, précisons que la photographe a utilisé pour ses tirages une technique numérique de jet d'encre aux pigments micro-encapsulés sur papier dessin et jet d'encre au charbon pour le noir et blanc. C'est une réussite. Une manière pour l'artiste d'insuffler de sa subjectivité, de sa sensibilité dans la chair même de la photographie.
Proche, dans l'esprit de spontanéité, de notation sur le vif, du carnet de voyage de certains peintres, ces photographies sont ouverture et dépouillement. Plaisir. Elles respirent. Même leurs ciels gris et lourds de nuages n'ont rien de menaçant. Dans l'image, un mouvement vers l'infini, une aspiration vers l'horizon. Les rares silhouettes aperçues font corps avec le paysage, comme le font ici un arbre, là une dune. Entre le désert et la photographe, une rencontre en toute simplicité. De l'harmonie et de la sérénité. Comme une reconnaissance.
A ce regard qui porte, et nous emporte loin, jusqu'à toucher l'horizon. » (...)