Awena Cozannet
Dossier mis à jour — 27/02/2025

Il n'est pas d'adieu pour elle

Il n'est pas d'adieu pour elle
Par Tayeba Begum Lipi
Tenir le fil, monographie, coédition Galerie Françoise Besson & éditions jannink, 2014

Quelque part dans la ville, à Lyon en 2005, dans un magnifique parc d'arbres et de fleurs, je me souviens qu’avec Awena et Mahbub, nous sommes allés découvrir la nouvelle sculpture d’Awena. Elle avait fait une sorte de grande robe de pierres1 qui était suspendue entre des arbres. Nous sommes allés visiter la Biennale de Lyon avec Pierre Laurent et Stéphanie Dachary, deux artistes qui venaient de participer à un workshop de Britto. Ainsi, soudain, nous nous sommes retrouvés à Lyon avec les artistes qui étaient venus à Britto et au Bangladesh.

Awena travaille souvent dans des circonstances difficiles qui ne pourraient pas convenir pour de nombreux artistes. Depuis que je la connais, j'ai réalisé qu'elle a toujours été prête à prendre des risques avec des matériaux différents, avec les gens, la culture et les idées. Elle se passionne pour les matières que ce soit de simples feuilles, des fils, des tissus, du papier, des branches ou des pierres. Elle réalise des performances avec les « costumes » qu'elle fait de ces matériaux.

Notre ami Owen Beuchet a présenté Awena Cozannet pour le premier Workshop International Britto en 2003 où nous avons invité onze artistes étrangers et neufs artistes du Bangladesh. Ils ont vécu et travaillé ensemble pendant deux semaines dans un studio de cinéma en dehors de la ville de Dhaka. Juste après ce workshop, une subvention de l'Ambassade de France à Dhaka nous a permis d'organiser la toute première résidence Britto avec Awena Cozannet.

À sa demande, nous l’avons mise en relation avec le Département Sculpture de l'Institut des Beaux-arts de l’Université de Dhaka. Elle a travaillé avec un groupe d'étudiants de différents départements pendant un mois. À la fin de sa résidence et de l’atelier, nous avons organisé une exposition à l'Alliance Française. L'ensemble du projet a été une grande leçon pour les jeunes étudiants qui voulaient explorer différents média.

En 2004, Awena voulait absolument revenir pour un autre projet, « Le Mouvement deviendra Sculpture », qu’elle avait imaginé et qu’ils ont mis au point avec Mahbubur Rahman. Ils ont conçu un workshop de deux semaines avec quinze artistes de Dhaka et de Chittagong dans un orphelinat à Rawjan, Chittagong. Les artistes ont habité avec les enfants à l’orphelinat où ils ont développé plusieurs créations de sculptures et de performances dans la nature, individuelles et collectives. Plusieurs projets communautaires ont également été abordés.

À Dhaka, le workshop était urbain, complètement différent de celui de Rawjan. Les participants et un groupe d'artistes de Dhaka se sont répartis dans plusieurs sites de la ville, très dense et surpeuplée. Les amateurs d’art ont été informés du programme des performances dans la ville, bien que la présence des visiteurs de la rue était beaucoup plus attendue.

Après ces deux workshops, nous avons organisé une exposition à la Galerie de l'Alliance Française de Dhaka. C'est la dernière fois qu’Awena Cozannet est venue au Bangladesh. Après cela, je l'ai rencontrée en 2005 à nouveau à Karachi pour deux jours. Elle commençait une résidence à VASL au Pakistan.

J'ai eu une autre occasion de retrouver Awena. J'étais à Londres pour un mois à la fin de 2013. Sans m’y attendre du tout, j'ai reçu un courriel d’Awena disant qu'elle faisait escale à Londres alors qu'elle se rendait en Chine pour un projet. J'étais très excitée de la revoir quelques heures. Elle m'a surprise en frappant à ma porte par une belle matinée ensoleillée. Pendant un certain temps, nous avons toutes deux laissé son ami qui voyageait avec elle. Nous sommes aussi allées visiter Gasworks où Robert Loder l’avait invitée en 2004 à présenter son expérience au Bangladesh.

J'ai retrouvé la même Awena, avec la même énergie, l'enthousiasme et la confiance. Ce fut une rencontre incomplète. Nous avons toutes deux réalisé qu’il nous faut plus de temps pour partager nos expériences. Elle avait des centaines de questions sur les artistes qu’elle connaissait au Bangladesh. Enfin, je n’ai pu m’empêcher de la suivre jusqu'à la station de Piccadilly Circus et ai finalement dû lui dire au revoir. J’attends de la revoir, un jour, quelque part, en sachant que ce n'est pas la dernière fois que nous nous retrouvons : il n'est pas d’Adieu pour elle.

  • — 1.

    Robe de pierres et de ciel, Parc de la Tête d'Or, Lyon, 2005

© Adagp, Paris