Ici prochainement
Ici prochainement, 2024
Palissade du chantier « Origine Franc Rosier / Bouygues »
— investie pour Les Arts en Balade et réalisée par le collectif mezzanine (Marina Guyot et David Blasco), Clermont-Ferrand
Bois MDF, contreplaqué, impression UV sur papier dos bleu, texte, 2 x 9 m





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Texte
Drapeaux et étendards sont en berne. Les statues sont tombées de leur piedestal, stèles dressées pour d'illustres absents. Les bataillons d'irréductibles se sont évaporés faute de maquis pour les cacher, ceux-là mêmes qui disséminaient des graines pour un avenir oublié. Il ne reste presque plus personne dans les alentours depuis belle lurette, les voisins ont laissé derrière eux ce qui reste des bâtisses qui leur avaient servi d'abris. Pierres agencées en maisons, en granges ou en églises. Ici, les angles nets de ce qui reste du mur d'enceinte commencent à s'arrondir aux encoignures faute d'entretien. Lent cheminement vers l'informe que le vent permanent aide et que d'autres voudraient accélérer. La chapelle dans le Nord, dont la structure est la plus robuste, a été réquisitionnée pour abriter les accumulateurs que dalles et filets d'air s'échappant du sous-sol tentent de rafraîchir.
Cela fait maintenant plusieurs jours que je guette leur arrivée, une présence venue de loin qui se manifesterait par un nuage de poussière montant derrière les collines encore grises. Épaississement d'un air déjà trop raréfié, atmosphère jaune-orange d'un vent qui auparavant venait du désert de l'autre côté de la rive. Il a passé cette frontière depuis longtemps maintenant. Sa ligne de front avance lentement mais inexorablement.
Le feu a vaporisé toute trace de peinture sur les bornes - ces pierres fendues de main d'homme - laissant derrière lui un espace vierge de tout bocage, de toute conquète. Pourtant, une carte mentale se projette encore à travers mes yeux sur le paysage (en cendres). Je me rappelle des mots prononcés jadis, moi vivante on ne construirait pas sur ces terres. J'en avais fait la promesse et je comptais bien la tenir.
Adossée au pied de quelques arbres que mon acharnement et quelques pièges ont réussi à maintenir debout, ma sueur ne coule pas sur mes tempes mais sèche aussitôt, réhydratation furtive de l'air autour de moi. Je garde un œil sur la girouette, seule capable de m'indiquer tout changement notable. Pointant le S, on la croirait figée comme un vieux coucou qu'on aurait oublié de remonter. Je guette la moindre variation, le moindre frémissement de la flèche qui trahirait un revirement de situation. Toujours rien à l'horizon. Le ciel est identique chaque jour, seuls les cycles de la lune et du soleil me permettent encore une scansion du temps.
Je pose ma main à côté de moi, le métal est chaud sous ma paume.
S'il pleut, je ne pourrai pas suivre leur avancée dans les collines.