Représenté·e par la Galerie Quatre, Arles
et la Galerie Louis Gendre, Chamalières
Hervé Bréhier
Né⋅e en 1968
Vit et travaille à Clermont-Ferrand
« Les sculptures d’Hervé Bréhier sont le produit de la combinaison de deux « répertoires » : un répertoire de matériaux généralement liés à l’architecture et à l’aménagement intérieur de lieux d’habitation ou de travail (panneaux de contreplaqué, portes de bois, tubes de cuivre, béton, enduit de lissage…) et un répertoire d’actions (tracer, couper, fendre, enduire, enrouler, adosser…) dont la simplicité n’est pas sans rappeler celle de la Verb List établie par le sculpteur américain Richard Serra à la fin des années 1960. Ses vidéos procèdent de la même logique : ouvrir un à un les volets d’un bâtiment industriel, puis les refermer ; filmer à bout de bras l’angle d’un mur et d’un plafond pendant un temps donné… C’est la capacité physique de l’artiste à prendre en charge seul les transformations et les déplacements qu’il fait subir à ces matériaux et objets qui contribue à déterminer l’échelle de ses sculptures, toujours étroitement liée à celle du corps humain. […]
La dimension temporelle, importante dans l’œuvre d’Hervé Bréhier, est aussi prise en charge par l’emploi assez singulier que fait l’artiste d’éléments ready-made : des caisses, des structures de mobilier ou des portes en bois… […] Ces objets – puisqu’ils sont, au départ, des objets – deviennent le support des interventions de l’artiste et le matériau de certaines de ses sculptures. Leur fonction d’origine et leur caractère ancien ne sont jamais occultés et constituent même des motifs signifiants. Aisément reconnaissables, ils instaurent une forme de proximité avec le spectateur, en partageant son espace et en stimulant ses sensations tactiles et velléités de préhension. J’ai écrit qu’il s’agissait d’éléments ready-made. Il faut toutefois préciser qu’ils ne sont en réalité jamais utilisés tels quels : toujours il en manque une partie – ici le couvercle de la caisse, là les rayons d’une étagère, là encore la structure d’une porte dont ne subsistent que les panneaux centraux.
Ces retranchements opérés par l’artiste relèvent de la même logique que celle qui le conduit à barrer de lignes, à trancher d’un coup de scie, à fendre d’un coup de lame ou de hâche, à poser en équilibre, à crever un sac de ciment ou de farine et le suspendre pour que son contenu se répande au sol… Autant d’actions qui témoignent d’une recherche de mise en tension et d’une violence contenue, sourde, qui est aussi l’une des marques du travail d’Hervé Bréhier.
Mais aussi, autant d’actions qui procèdent d’une exigence que l’on pourrait, faute de mieux, qualifier de « minimaliste » : les interventions de l’artiste sont toujours porteuses d’une certaine qualité de silence et mettent en jeu son propre retrait. S’il recourt à beaucoup de « gestes », ce n’est pas pour autant qu’il faille dire que son travail est de l’ordre de la performance, et encore moins qu’il relève d’une visée « pathétique ». L’artiste endosse plutôt un rôle d’opérateur : ses gestes n’appartiennent pas au registre de « l’expression » – ils sont « sans affect » et ont pour fond de provenance la construction en bâtiment, la menuiserie, la plomberie.
Ce que j’ai appelé « minimaliste » correspond bien moins à une visée esthétique qu’à la volonté de produire, au moyen du seul geste de découper ou d’enduire, une « tranche », un « plan de référence » au travers desquels non seulement se lit l’histoire silencieuse des matériaux et objets employés, mais où, aussi, s’engage pleinement l’enjeu sculptural de ces œuvres. » […]
Extrait de Plans de référence, par Cédric Loire
Semaine n°362, Analogues, Arles, 2014