Textes
Texte de Léa Gauthier
In Supplément Semaines n°10, Galeries nomades 2007 de l'Institut d'art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes, Éditions Analogues, Arles, 2008
Texte de Léa Gauthier
In Supplément Semaines n°10, Galeries nomades 2007 de l'Institut d'art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes, Éditions Analogues, Arles, 2008
L'expérience de la mesure
Par Léa Gauthier
In Supplément Semaines n°10, Galeries nomades 2007 de l'Institut d'art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes, Éditions Analogues, Arles, 2008
L'expérience de la mesure
Par Léa Gauthier
In Supplément Semaines n°10, Galeries nomades 2007 de l'Institut d'art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes, Éditions Analogues, Arles, 2008
Inventés pour partager des mesures communes, les systèmes métriques sont aussi une bonne façon de normer nos expériences. En effet, s'il est nécessaire de s'assurer que nous parlons tous de la même chose lorsque nous utilisons un litre de lait dans une recette ou que nous acquérons un mètre de tissu, il reste des territoires à propos desquels cette homogénéisation n'est pas obligatoirement bienvenue. Pire encore considérer que la qualité d'un moment puisse être décrite en termes communs n'a rien d'excitant. Car l'exploit de pêcher un très gros poisson presque sans attendre gagne sûrement à ne pas se définir en centimètres ou en minutes. Surtout si l'on veut en faire un récit passionnant. C'est d'autant plus important que le contexte peut lui-même faire gonfler la qualité de l'exploit. Si, par exemple, rien ne mord aux lignes alentour ou encore si une personne que l'on veut impressionner est là, le poisson sera encore plus gros et la prise plus rapide.
De fait, on comprendra ici qu'une expérience ne se mesure qu'en des qualificatifs non standardisés. Cela tout simplement parce que ce qui se vit et se ressent produit une impression par nature subjective et personnelle. Son appréciation se partage en récit mais reste impossible à régler. C'est d'ailleurs selon cette distinction entre ce qui se mesure et ce qui se ressent que se constitue une expérience. Il n'est pour s'en persuader qu'à penser à notre estimation de la longueur d'un film. Combien de fois avons nous dit que nous n'avons pas vu passer le temps alors que la projection durait plusieurs heures ou inversement qu'elle nous a semblé une éternité lorsqu'elle était courte. Ainsi nous laissons le comptage en heures, minutes, secondes à l'extérieur et envisageons le temps passé face à l'écran à l'aune de notre investissement dans ce qu'il nous montre. Autrement dit, nous nous construisons nous-même nos propres outils de mesures. Ils nous sont autant personnels qu'ils dépendent de notre propre expérience et du moment où nous les utilisons. Or il en va des expositions comme des films, à la différence que, pour celles qui sont présentées dans un même lieu, l'espace et le temps qui leur sont accordés sont toujours plus ou moins identiques.
En l'occurrence, dans le hall d'exposition de l'INSA, les artistes disposent toujours des deux mêmes salles pour une durée d'environ deux mois. Il va de soi que, d'une fois sur l'autre, la visite demande un temps et un investissement différent selon l'exposition et selon le visiteur. Ainsi donc, temps et espace se dilatent sous l'effet d'une expérience qui rend caduc tout système de mesure. Ou, pour être plus précis, l'un comme l'autre sont constamment remis en jeu. Il faut les débattre à chaque fois plutôt que les battre inlassablement sur le même tempo. Les mesures ne se donnent pas de façon immuable, on les goûte et on les apprécie.
C'est ce que semble indiquer l'installation Débattre la mesure de Linda Sanchez. Se livrant volontairement comme une construction rudimentaire, cette pièce est faite d'un goulot de bouteille d'eau en plastique dans lequel est encastré un mécanisme d'horloge. Au bout de l'aiguille des minutes est accroché un feutre. Chacun de ses mouvements prolonge une trace qui marque la feuille sur laquelle ce dispositif est posée, prolongement qui finit par dessiner un long cercle concentrique autour d'elle puisque la pression du feutre déplace l'ensemble. Se trouvent ainsi réunies mesure du temps et construction dans l'espace. Mais si l'aiguille bouge bien avec une régularité contrôlée, la trace qu'elle produit ne l'est pas. Ainsi c'est bien l'inscription du temps qui est expérimentée d'une façon personnelle, subjectivité renforcée par le caractère bricolé de l'ensemble. Il n'en reste pas moins qu'on a bien affaire à la mesure de l'exposition de Linda Sanchez de son début jusqu'à sa fermeture. Ici la temporalité de l'exposition se livre selon une écriture qu'il faut savoir déchiffrer et qui s'avère aussi précise, grâce au mécanisme, qu'elle est privée, de part sa méthode de construction. En alliant instrument métrique normé et protocole personnel, Linda Sanchez crée ses propres outils de mesure pour rendre compte d'une expérience sur un mode singulier.
C'est probablement avec cette recherche en tête, qu'elle a approché cette expérience que nous avons tous fait : attraper du sable. Matière faite de multiples particules dont on ne saisit jamais la globalité, il glisse et nous échappe grain par grain. A cette situation Linda Sanchez répond par l'invention d'une technique adaptée à cette spécificité. Elle applique à la surface une colle qui joint les grains entre eux. En résulte une sorte de peau qu'elle présente à même le sol. Ici c'est un phénomène physique qui joue son rôle, mais le prélèvement devient une activité en soi. C'est elle qui est productrice de cette forme si particulière à mi-distance entre phénomène naturel et construction chimique, entre minéral et végétal.
En trouvant une réponse aux questions de la capture du sable, l'artiste découvre une modalité de production plastique. De fait, le résultat est bien éloigné de la question de départ. Mais dès lors que l'expérience prime, le résultat est-il toujours l'enjeu ? Il semble que non. Le moteur du travail de Linda Sanchez semble bien plus alimenté par la mise en place d'un processus.
Cela est tout à fait manifeste dans les dessins qu'elle réalise. Présentant une grande qualité graphique qui tient à la rigueur de leur réalisation, ils sont le résultat de protocoles stricts. Il s'agit de choisir une image et, par calque, de laisser un crayon déambuler en suivant les contours de ce qui est représenté. On obtient ainsi un dessin que l'artiste appelle « le squelette » que les schémas suivants vont décortiquer. Pour cette exposition une série d'une cinquantaine d'entre eux sont présentés. Mais l'image de départ n'est pas montrée. On comprend, de fait, qu'elle n'est pas nécessaire puisqu'il ne s'agit pas d'en rendre compte mais bien plus de considérer le fait que toute retranscription finit par trouver sa singularité et se transforme en expérience singulière. Or c'est bien cela que recherche Linda Sanchez. Son point de départ n'est qu'un prétexte à partir duquel peuvent être envisagés un certain nombre de protocoles qui sont aussi stricts qu'ils s'éloignent de toute possibilité de rendre compte d'autre chose que de leurs propres règles. Ainsi la série 14628.jpg présente des expériences réalisées à partir de ces lignes précédemment dessinées. Ce sont elles qui deviennent alors sujet d'étude et de transposition. Par exemple l'une d'entre elles émane de l'étude des angles d'un précédent dessin. Selon leur ouverture, les traits sont plus ou moins allongés. Les graphiques qui résultent de ces protocoles ont tout de l'étude. Mais il leur manque un sujet. On l'aura compris c'est justement l'analyse elle-même et les gestes qui la façonnent qui sont objets d'attention. Ainsi avec un grand contrôle Linda Sanchez établit des moyens rationnels de produire de l'absurde. C'est donc avec une certaine dose d'ironie qu'il faut aborder ce travail d'une grande rigueur. Car Linda Sanchez s'appuie en fait sur un principe de réalisation qui implique que la production s'engendre elle-même et se renouvelle ainsi. En ne faisant à priori que se pencher sur ce que sont ses dessins, Linda Sanchez en engendre de nouveaux. Et ils ont tout de la création puisque là encore ce sont les principes de transmission qui les déplacent et les transforment en autre chose. On pouvait en appréhender la manifestation en acte le jour du vernissage de cette exposition. Linda Sanchez présentait ce jour là un ensemble de ballons contenant du plâtre sec. Percés, ils se dégonflaient faisant ainsi craqueler leur contenu. Le son de ce phénomène était capté par des micros, amplifié et retransmis dehors.
Ainsi Linda Sanchez proposait, une fois de plus, de déplacer la réception d'un phénomène. En extrayant d'un événement une sonorité qui devenait pour ainsi dire l'annonce de l'exposition à l'extérieur de l'espace où elle se trouvait, elle explorait les modalités par lesquelles une expérience est déplacée par retransmission.
La réinvention du quotidien
Par Anne-Lou Vicente, 2009
Dossier de presse de l'exposition Ritournelle et déhanchement, Galerie Bertrand Grimont, Paris
La réinvention du quotidien
Par Anne-Lou Vicente, 2009
Dossier de presse de l'exposition Ritournelle et déhanchement, Galerie Bertrand Grimont, Paris
L'une ne va pas sans l'autre
Par Nicolas Garait
In Zéroquatre, nº3, automne 2008
L'une ne va pas sans l'autre
Par Nicolas Garait
In Zéroquatre, nº3, automne 2008
De la partie au tout
Guide du visiteur de l'exposition S'il y a des moucherons, c'est qu'il doit y avoir des araignées, Galeries Nomades de l'Institut d'Art Contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes, Angle art contemporain, Saint-Paul-Trois-Châteaux, 2007
De la partie au tout
Guide du visiteur de l'exposition S'il y a des moucherons, c'est qu'il doit y avoir des araignées, Galeries Nomades de l'Institut d'Art Contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes, Angle art contemporain, Saint-Paul-Trois-Châteaux, 2007