Darkness of the Saône I & II
Darkness of the Saône I, 2010
Vue de l'exposition Regard Contemporain, Musée des Ursulines, Mâcon, 2010
Collage, acrylique noire sur papier, 600 x 500 cm
● Texte du communiqué de presse
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"Dans toutes les fictions, chaque fois que diverses possibilités se présentent, l'homme en adopte une et élimine les autres ; dans la fiction du presque inextricable Ts'ui Pên, il les adopte toutes simultanément. Il crée ainsi divers avenirs, divers temps qui prolifèrent aussi et bifurquent. (...) Cette trame de temps qui s'approchent, bifurquent, se coupent ou s'ignorent pendant des siècles, embrasse toutes les possibilités".
(Borges, Le Jardin aux sentiers qui bifurquent, dans Fictions, 1941)
Ludovic Paquelier nous donne ce premier rendez-vous devant le mur de l'allée Matisco au Musée des Ursulines qui devient le lieu de Darkness of the Saône, une œuvre sous forme de trip graphique peint sur papier. Cette histoire bizarre aux accents de science-fiction - l'artiste revendique un univers poétique de série B - offre aux regards des spectateurs et des passants un récit arborescent et elliptique, une sorte de puzzle narratif sur la ville et la rivière qui la coupe.
Darkness of the Saône est un affichage grand format dans l'espace public. Cette œuvre, acrylique noire sur papier collé au mur, est livrée aux yeux et aux intempéries, donc appelée à disparaître. Cette nature éphémère, qui redouble le jeu visuel complexe d'apparition et d'effacement de l'œuvre, donne littéralement rendez-vous au spectateur. On ne sait pas combien de temps dura la "séance".
Le travail de Ludovic Paquelier opère un glissement entre peinture et dessin, dessin et peinture. Un dessin cinématique se déploie et prolifère. Une peinture que l'on peut rapprocher dans l'esprit à deux genres picturaux classiques : la peinture d'histoire et la scène de genre. On y trouve également quelque chose de la figuration narrative et du wall drawing. Du story-board et du cadavre exquis. Le texte s'affiche et fait signe, et les dessins se donnent à lire. On entre dans un monde d'images dévorant où tout est fragmenté et matière à montage. Tout est hiéroglyphique.
L'artiste réduit la couleur au silence par une palette noir et blanche. Des gestes graphiques très picturaux incorporent une forme expressionniste qui contraste avec la précision des figures pour mieux en rejeter le réalisme. Le dessin se situe entre l'illustration et le lavis (une esquisse, un "avant peindre"). Cet étalonnage colorimétrie donne une sorte d'image de synthèse, un dépassement formel qui unifie les éléments hétérogènes du montage sur un seul plan et rend possible tous les raccords du récit. On est alors dans une part d'ombre.
Ses sources iconographiques sont une bibliothèque d'images que se constitue l'artiste, une mémoire contemporaine agrégative de ses propres mythologies, un univers dont l'image serait la nouvelle profondeur. ll en orchestre/mixe des échantillons, bouts de récit arrachés aux images de film, de livres, de revues, de publicités, de photographies faites maison. Ce sont pour le spectateur, invité a mettre en œuvre son "petit cinéma menta", autant de pistes a explorer - avec la possibilité de retrouver son chemin ou de se perdre complètement dans la Darkness of the Saône.
Vues d'exposition, Bâtiment Z, Galerie Sandra Nakicen, Lyon
Wallpainting, acrylique noire, 300 x 500 cm
Silure vs Piscine, 2010, encre de chine sur papier, 150 x 315 cm