Phosphènes
Phosphènes, 2009-2013
Série de 37 dessins
Pigment et fusain sur papier, 105 x 75 cm
"Je ne me rappelle plus quand j’ai vu La grande évasion pour la première fois à la télévision. Basé sur une histoire vraie, ce film raconte l’évasion de prisonniers de guerre du camp de Stalag Luft Nord en 1943. Il a été réalisé en 1963 par John Sturges ; les personnages principaux sont interprétés par James Garner, Richard Attenborough, James Coburn, Charles Bronson et surtout Steve McQueen. Celui-ci incarne le capitaine Virgil Hilts, alias "The Cooler King", "le roi du frigo" dans la version française. À dire vrai, j’avais presque tout oublié de la trame générale du film et seuls quelques passages me restaient en mémoire." — Rémy Jacquier
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Ceux-ci se rapportaient tous aux séquences dans lesquelles Steve McQueen/Virgil Hilts se trouve justement enfermé au cachot/frigo. Pour tuer le temps, il s’assied dos au mur, envoie une balle de base-ball contre le mur opposé, la rattrape, la renvoie, la rattrape, la renvoie, la rattrape… La plupart du temps, le cadrage est un plan large. On voit Steve McQueen assis sur le bord gauche de l’image, un peu en retrait et le trajet de la balle qui traverse tout l’écran, va taper contre le bord droit de l’image avant de revenir vers le bord gauche. Cela donne l’impression que le cachot se trouve à l’intérieur du cadre, dans le prolongement du plan de projection. Comme lorsqu’on trace une vue perspective rudimentaire d’une pièce en partant des angles de la feuille. Par une sorte d’analogie visuelle, cela produit également l’illusion que le poste de télévision, pour peu que le film soit regardé dans ces conditions, est le cachot lui-même. Steve McQueen devient alors un petit personnage semblable à ceux imaginés par Pierrick Sorin, dans ses récentes saynètes.
En tout cas, cette image est restée suffisamment ancrée dans ma mémoire pour me revenir lorsque je dessinais. Car finalement, s’isoler (volontairement cette fois) dans un petit espace neutre (la feuille de papier) et passer son temps à y jeter des choses pour voir comment elles reviennent (subjectile et projectile) n’est pas si éloigné de la situation et de la gestuelle du roi du frigo. Ainsi, en 2006, alors que j’étais en résidence pour une exposition dans un fort militaire du XIXe siècle, l’improbable contexte du lieu m’a amené à reprendre cette référence. J’ai passé une bonne partie de mon temps à travailler à partir du rebond d’une balle de tennis. Par dérivation, c’est ce qui a donné lieu à la série de dessins intitulée Phosphènes. J’y vois maintenant plus une connotation musicale (Sports et divertissements de Satie ou La Main heureuse de Schoenberg) que cinématographique.
D’un point de vue plus général, je me dis que cela renvoie, revient à la butée, au fait que pour produire quelque chose, il faut d’abord se cogner contre. Les dessins, les volumes ne sont jamais que des retours de butée.
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