Textes
Le motif dans le tapis
Par Françoise Parfait
Catalogue ADIAF / Le Prix Marcel Duchamp, 2011
Le motif dans le tapis
Par Françoise Parfait
Catalogue ADIAF / Le Prix Marcel Duchamp, 2011
Pour Henry James, le secret de son œuvre se tenait caché dans la trame des récits et les volutes du motif ; de même, Samuel Rousseau a souvent dissimulé ses sujets dans des mises en scène où l'objet, la technologie et l'espace conjuguent des images apparemment simples mais qui cachent des « secrets » que le visiteur prend plaisir à déchiffrer. Dans un certain nombre de ses productions vidéo et numériques, les images viennent, en effet, se loger là où on ne les attend pas, dissimulées dans des motifs décoratifs (les Papiers peints vidéo, 2003), enchâssées dans des objets de rebus, agitant discrètement les reliefs d'écrans-objets qu'elles recouvrent comme une peau. Fréquemment, elles mettent en scène des corps inadaptés à l'espace qui tente de les contenir, de manière humoristique souvent, pathétique parfois, et poétique toujours. Beaucoup trop grand pour le bâtiment qui l'abrite (Le Géant, 2003), minuscule dans la ville générative et dévoreuse de Plastikcity (2005) et le tapis persan de Jardins nomades (2007), ou réduit à la dimension d'une cellule dans les blisters médicamenteux de Chemical House, (2009-2010), le corps seul ou multiplié anime les images par des micro mouvements quasi browniens, s'insinue dans tous les recoins, occupe toutes sortes d'espaces, objets ou bâtiments, immenses ou trop petits, hors échelle.
Un élan vital traverse une grande majorité des travaux de Samuel Rousseau : le vivant s'y manifeste aussi bien dans le grouillement aléatoire ou l'agitation canalisée de petites silhouettes dans de larges espaces, que dans les poussées organiques d'un corps qui veut se libérer d'un espace contraignant (Maternaprima, 2006, Le Géant). Dans tous les cas, le corps isolé et le corps en nombre, ont du mal à trouver leur place dans un monde industriel, standardisé, inadapté le plus souvent à leur condition. La condition humaine, question universelle, est évoquée par l'artiste comme une tentative, sans cesse recommencée, de s'extraire de la boîte - l'objet, le bâtiment, la ville, la mégalopole qui voudrait le retenir et le fixer, d'en repousser les murs et d'ouvrir sur un infini imaginaire inouï.
Samuel Rousseau est un artiste qui invente des formes, explore leur capacité à produire du poétique ; usant de matériaux divers, récupérant des objets relégués au rang de déchets (bidons, bouche d'égout, emballage), utilisant la technologie avec une précision toute horlogère, il cherche les solutions techniques les mieux adaptées pour que précisément la technique s'efface derrière la force et la présence de l'image produite. Ces œuvres sont alors libres d'évoquer le monde animal, le monde industriel et urbain, emprunter à la science fiction ou à l'imaginaire de la bande dessinée et du cinéma. Elles peuvent faire le grand écart entre une évocation de Métropolis ou une vanité moderne en écho aux TV Bouddha de Nam June Paik. Création d'une illusion, fragile comme un souffle, entre un objet réel et une image possible de celui-ci : une flamme électrique et des feuilles numériques peuvent ainsi réanimer la bougie éteinte (Un peu d'éternité, 2009) ou le tronc d'un arbre nu (Sans titre (L'arbre et son ombre), 2008-2009), mais tout cela reste provisoire, à l'image de la vie.
L'échappée belle
Par Philippe Piguet
Catalogue d'exposition, Museu d'Art de Sabadell, 2003
L'échappée belle
Par Philippe Piguet
Catalogue d'exposition, Museu d'Art de Sabadell, 2003