Intérieur (série en cours), 2016
Tirages encres à pigments sur papier d'art mat
Formats : 60 x 90 cm ; 40 x 60 cm ; 40 x 40 cm ; 30 x 45 cm

Certaines expériences comme certaines émotions restent à jamais gravées en nous, que ce soit à notre insu ou que nous chérissions ces instants au point d'y revenir en nous-même régulièrement.

En visitant les intérieurs de maisons inconnues, soudain livrées à nos regards, ce que je voyais me captait de façon si gênante que je fermais parfois les yeux pour ne pas être envahie par les détails de ce qui se montrait. J'entrevoyais seulement, pourtant une image ressemblant à une photographie s'était formée en moi. Une impression chargée d'indices que j'évitais et de présences éparpillées dans l'absence se déposait profondément en un lieu dont je ne pensais pas avoir la clé. Un endroit sombre, sans nom, lourd du poids des choses vécues autant que des mots tus. Une scène sans personnage, lestée du poids ordinaire de la vie, de ses gestes d'usages répétés jusqu'à l'usure.

Ces lieux devenaient à mes yeux une métaphore magique de l'invention photographique. Une grande boîte à capturer du temps, une « camera oscura », chambre obscure à tous points de vue. La chambre toute habillée de noir conservait ses secrets et me retenait entre ses murs. Je devais m'en extraire dans une sorte d'arrachement.

Les souvenirs de ce temps que j'emportais, partant parfois comme une voleuse, et gardais à mon tour cachés, étaient déjà des photographies. Chaque maison fut une rencontre.

— A.B.