Arièle Bonzon
Dossier mis à jour — 11/09/2024

Tilleli

ⵜⵉⵍⴻⵍⵉ — « Tilleli » — Liberté, Algérie, 2010-2021

Tirages N&B sur papier baryté ou impression pigmentaire N&B ou couleur sur papier d’art
Collage sur Dibond, encadrement bois teinté, avec ou sans verre (anti-UV) 
Dimensions variables : 60 x 90 cm ; 40 x 60 cm ; 30 x 45 cm ; etc

2021, c’était l’année d’après et nous recommencions à peine à vivre.
Pandémie et confinement que nous venions de traverser restaient en vrac dans le sac des choses irréelles,
et nous donnait une conscience particulière de l’ailleurs. Un ailleurs dont le double semblait être l’oubli.
Partir pour effacer. Ou simplement rêver.

La proposition de la galerie Le Réverbère a été un appel à se retrouver en images, à tendre un miroir au monde
et à réfléchir nos « envies d’ailleurs ».

C’est ainsi, à la fois par le regard et par la mémoire, que j’ai « refait » le voyage d’Alger.
Dix ans avaient passé. La question du temps y était centrale et n’en finissait pas de résonner d’une image à l’autre.
Le motif de l’attente se trouvait partout au coeur de ce que j’avais pu saisir de l’Algérie entrevue lors de ce voyage.
De l’espace et des présences qui s’étirent dans le temps.
J’avais produit une première série de tirages.
Et, observant comment cette question de temps jouait déjà dans les photographies que j’avais choisies,
une deuxième série est née.
J’ai alors exploré, dans l’ensemble des images retenues, des formes de relation au temps, sans à priori,
j’ai pu expérimenter sans contrainte, sans but précis, avec soif de « liberté ».

« Tilleli » est le prénom de la petite fille que j’ai rencontrée et photographiée à l’aéroport d'Alger, avant mon départ.
Elle voyageait à dos de valise avec ses grand-parents vers la France.
Entre sa grand-mère en habit traditionnel, comme elle, et sa poupée Barbie.
J’ai demandé si je pouvais faire une photographie.
C’est ainsi que j’ai su que « Tilleli » signifie « Liberté » en Berbère.

— A.B., 2024

Familier, 2009-2010 - La Bataille d'Alger, Gillo Pontecorvo (1966)

1

le passé présent,
un temps qui conjugue l'attente

tirages

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Envie d'Ailleurs, magasin d'ameublement et de décoration, à Lons-Le-Saunier.
Envie D'ailleurs, institut de beauté, à Saint-Priest-en-Jarez.
Envie d'ailleurs, agence immobilière, Cressantignes dans l'Aube, au sud de Troyes.
Envie D'Ailleurs, administration, La Galerie Espaces Fenouillet, à Fenouillet.
Envie d'Ailleurs, spa à Toulouse. Envie d'Ailleurs, institut de beauté, onglerie, massages, à Mondelange,
au bord de la Moselle, entre Thionville et Metz.
Envie d'ailleurs, magazine à Toulouse.
Envie d'ailleurs, institut de beauté à Frémestroff.
Envie d'ailleurs, spa et bien-être, à Vérines (Charente-Maritime).
Envie d'ailleurs, à Arlon, Belgique, pour les jeunes voyageurs.
Envie d'ailleurs, magasin d'ameublement et de décoration, à Saint-Germain-du-bois, Saône-et-Loire, définitivement fermé.

Des « envies d'ailleurs » disparates et plurielles mais bien ancrées dans nos « territoires ».
Des envies qui flirtent souvent avec l'inaccessible et font écho à notre désir fou de ne pas être là où nous nous trouvons !
Qu'est-ce donc qui nous porte sans cesse au loin, pour ainsi dire « voir ailleurs si nous y sommes » ?
Gonflés de rêves et tous nos sens tournés vers l'inconnu, nous partons à la découverte
de n'importe quel ailleurs, pourvu qu'il soit nouveau.
Infini de la quête, sans limite ni repos, quand il est impossible de se quitter soi-même.

Nous sommes d'ici, et ici c'est de ce coté-ci de la mer.
Alger, et l'Algérie, (comme ici on dirait « en Parisie »), c'est de l'autre côté.
El-Djazaïr, en arabe. Lezzayer, en berbère.
Alors « envie d'ailleurs », mais d'où, et de quoi ?

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La rencontre avec Alger m'a surprise. Je pensais me sentir loin de tout ce que je connaissais
mais c'est l'impression de familiarité qui a été pressante dès les premiers instants.
Les Algériens d'abord, inconnus pourtant côtoyés depuis longtemps.
Les langues, arabe et berbère cohabitent avec le français,
sa continuité, en doublage, sous-titrage partout.
Les bâtiments, l'architecture, la ville d'Alger,
où orient et occident n'en finissent pas de se renvoyer la balle.
Je notais mes impressions en photographiant, je regardais les gens et me sentais intruse.
Pas rejetée. Intruse et regardée.
Partout la façon dont les gens ici, de ce côté de la mer, regardent.
Tous, hommes et femmes, plantaient leurs regards dans le mien, un regard « sans poli ».
Ils ne souriaient pas, ils regardaient, un point c'est tout. Je pensais alors à l'autre côté,
censé être chez moi, où les passants passent, sans regarder. « Ils te calculent carrément pas ! ».
J'ai retrouvé la présence des corps que j'avais déjà vécue à Marseille.
Les gens croisés ne se rangent pas pour laisser passer ou pour faire de la place.
Dans la rue, ils se croisent et se cognent, c'est un monde de contacts.
Ici j'ai renoué avec ces sensations d'étrangeté et de familiarité.

Adossé à Alger, un pays immense qu'on ne saurait comprendre tant il appartient à un autre continent, l'Afrique.
Les autoroutes qui foncent vers le sud, les montagnes vertes, réputées hostiles,
les orangeraies, une vache, un four à pain, un couscous offert.
Des frontières en lignes droites dans le désert, qui touchent aux confins, Mauritanie, Mali, Niger.
D'autres lignes, plus indécises, séparent du Maroc, de la Tunisie, de la Libye.
Le désert immense, partout Sahara.
Depuis Alger, Tipaza ou Oran, je ne quittais pas de vue l'horizon, ni la mer qui sépare et relie.
J'avais toujours l'impression d'un immense espace dans mon dos, comme une menace vague,
indéfinie, un souffle d'air chaud, derrière moi, qui me tenait là, tournée vers la mer.

Et j'ai continué à regarder, à éprouver autant que j'ai pu, à collecter les regards,
à accepter la simplicité et l'accueil, à observer les couches visibles d'un monde proche et inconnu.

— AB., 2021

2

le motif de l'attente

expérimentations

L'attente s'est installée dans ces images, comme si elle avait lieu et place partout.
Elle est devenue le motif qui se répète dans le décor.

Je l'ai compris une première fois, lentement et sans mot, en faisant les images,
et une seconde fois, en les choisissant.

Le temps était au rendez-vous sous cette forme, l'attente, ainsi il se dérobait autant qu'il se montrait.
Progressivement, l'image du temps, sujet de la photographie, s'est nourrie de ce motif récurrent de l'attente,
pour se placer au centre de mon regard.

Jouer le noir & blanc, son penchant vers le passé, l'abstraction, la distance
et la couleur, tardive, sensorielle, qui fait irruption et indique un présent qui dure,
peut-être même les prémisses d'un futur et procède par effraction dans la pensée.

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3

espace linéaire, temps courbe
le voyage immobile

expérimentations

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ⵜⵉⵍⴻⵍⵉ — [Tilleli en tifinagh]