Aurélie Pétrel
Dossier mis à jour — 08/01/2018

Textes

Biographie par Michelle Debat

Tirée du texte de présentation pour le Séminaire de recherche - Nouvelles matérialités en photographie et art contemporain, INHA - Paris 8, mars 2018 

AURÉLIE PÉTREL : LÀ OÙ L'ESPACE DEVIENT FORME

Par Alex Bowron, 2018
Texte publié à l'occasion de l'exposition personnelle d'Aurélie Pétrel Track 3, au G44, Centre de photographie contemporaine, Toronto
Traduit de l'anglais (canadien) par Nicolas Garait-Leavenworth

Texte de présentation par Michelle Debat

pour le Séminaire de recherche - Nouvelles matérialités en photographie et art contemporain, INHA - Paris 8, mars 2018

PARTITION PHOTOGRAPHIQUE

Par Aurélie Pétrel, 2014

DU DISPOSITIF ET DU FIGURAL

Par Sylvie Lagnier, 2010
Publié dans le catalogue Regards croisés, Shanghai 2010, Édition ENSBA Lyon, avec le soutien de la Région Rhône-Alpes

Dans son troisième essai, Le contexte comme contenu, publié dans Artforum en 1976, Brian O'Doherty a démontré l'emprise inéluctable du cube blanc sur les pratiques artistiques. « On ne peut congédier sommairement le mur blanc, mais on peut le comprendre. Et cette compréhension le transforme puisque son contenu est constitué de projections mentales fondées sur des partis pris non formulés. Ce mur est notre parti pris. Il est impératif pour chaque artiste de connaître ce contenu et en quoi il affecte son oeuvre. [...] Il [le mur] a sauvegardé la possibilité de l'art tout en le rendant difficile » 1 

Aurélie PÉTREL, dans sa conception du photographique et de la photographie, travaille ce rapport au lieu et au mur, l'image devenant l'un des éléments constitutifs de l'oeuvre dont l'objet réside dans une inter-relation entre l'image, le support et l'espace, avec laquelle non seulement elle questionne la place et le statut de chacun, mais encore, multiplie les possibles par l'introduction de dispositifs tels que Foucault les a définis : « des stratégies de rapports de force supportant des types de savoir, et supportés par eux. ». 2 La fonction du support ne réside plus seulement dans la mise en valeur d'une lisibilité, il devient une part du visible. Poursuivant son interrogation sur les conventions régulatrices qui stabilisent le sens - le mur blanc, la position de l'image sur le mur, l'encadrement, etc. - Aurélie manipule, dans un geste d'ordre performatif, des plaques de métal plein ou micro-perforé, impossibles cimaises dont elles semblent pourtant mimer l'un des enjeux, faire oeuvre en lieu et place de l'image. Tout est rapport à un espace scénique, celui de la scène, de l'écran, des systèmes de représentation où l'humain, dans son apparent second rôle, est l'objet qui légitime toute illusion. Dans ses photographies, les regards souvent hors champ de ses personnages, - des ouvriers, des manutentionnaires en action ou en pause - conduisent notre sens de lecture : de l'image très architecturée, construite par plans, vers l'espace réel, par exemple le cube au sol dans lequel s'insère l'une d'elles. Le visiteur qui se tient dans le lieu d'exposition n'achève pas son parcours visuel au sein du cadre de l'image à proprement parlé, un dialogue s'opère entre la planéité de la photographie et l'espace du spectateur. Le jeu d'hypothétiques reflets entretient l'illusion du dedans et du dehors tandis que le cube comme les plaques de métal ou de verre interrogent les concepts de l'espace et de l'art. Aurélie Pétrel s'amuse avec le White Cube, manipulant ce tombeau des conventions scénographiques modernistes, qu'en leur temps, Schwitters et Lissitzky avaient transformé en le colonisant de leurs collages. Les dispositifs incitent une perception en deux temps : l'oeil appréhende le tout, se glisse dans l'image puis le corps emmène l'oeil en exploration. L'oeil et le corps coopèrent ainsi non seulement dans le choix d'un parcours réel ou conceptuel, mais aussi à doubler le sens par le détournement du sujet lui-même.

Aurélie définit sa photographie sur le modèle de l'image classique, soit la peinture comme un lieu iconique situé à forte distance de tout référent. Ses choix de compositions privilégient la force constructive des éléments architecturaux - murs, pylônes, lignes téléphoniques et électriques, toitures, fenêtres et ouvertures, surfaces écraniques -, redevable en ce sens à l'héritage d'une conception spatiale ancienne, celle que Piero della Francesca mit en oeuvre au cours du quattrocento unifiant dans un même lieu l'effort de la raison et la sensibilité de l'esprit. L'espace photographié, pas plus que l'espace peint dans l'oeuvre du maître italien n'est un décor, il est ici paysage indéfini quasi monochrome ou bâtiment(s) dont la dialectique intérieur/extérieur s'impose autant au sein d'une même image que de l'une à l'autre. En outre, aucun échappatoire visuel ne nous détourne de la réalité de l'image en tant qu'espace plan. Pour autant la question de l'illusion n'est pas évincée. Son immanence se révèle dans l'objet image - dans lequel nous incluons ces dispositifs tridimensionnels qui, intervenant dans l'espace réel modifient notre rapport à l'image, mais aussi la perception de toute image - lieu à la fois de déplacement et de production de sens. Là, interviennent les jeux en miroirs - recours aux polyptiques, à la lumière constructrice dans l'image elle-même, à la lumière réelle traversant les surfaces translucides des vitrophanies 3 - dans lesquels le corps fragile de l'humain est livré au monde construit par l'homme. Ce sont autant sa vulnérabilité que sa force que saisit le pouvoir du photographique chez Aurélie Pétrel, pourtant détail infime presque insignifiant, mais qui dans l'ordre de l'image, devient figural en particulier par l'action de la couleur, qui au-delà de structurer l'espace, amène de subtiles relations entre les éléments en présence. Lorsqu'elle est matérialisée dans un plan opaque, elle est un écran de projection au sens littéral du terme, lorsqu'elle agit en transparence, elle inverse le rapport au sujet, le repoussant à l'intérieur de l'image. Elle est matière homogène lorsque Aurélie traite du feuillage comme d'un espace organisé : infinité des détails et des nuances comme autant d'effets de texture. L'artiste renouvelle ainsi l'expérience du banal photographique par un juste regard qui sait combien la lumière corrompt toute forme. En privilégiant la frontalité, la tentation du récit est évincée au profit d'une réflexion sur ce qu'est l'image. Les dispositifs conçus par Aurélie Pétrel sont donc moins une mise en scène de l'image que sa mise en présence.

  • — 1.

    O'DOHERTY Brian, White Cube. L'espace de la galerie et son idéologie, JRP/Ringier, La Maison Rouge, 2008 pour la traduction française, p.110.

  • — 2.

    FOUCAULT Michel, Dits et écrits, 1954-1988, t. 3 1976-1979, Gallimard, Paris, 2001.

  • — 3.

    La vitrophanie, feuille adhésive translucide occupe une surface vitrée. Ce dispositif bidimensionnel est conçu pour être traversé par la lumière et ainsi modifier, qualifier le lieu, le transposer même. Il introduit un schisme entre l'image et le support parce qu'il contient une image à double face, l'une influençant l'autre, un recto-verso au sein duquel le corps devient le détail ou le sujet.

Texte de Baron Osuna

2010