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Ça ira mieux. Pratiques habitantes de l'art
Par Mathilde Chénin, 2024
Extrait du texte commandé et produit par le Réseau documents d'artistes
Ça ira mieux. Pratiques habitantes de l'art
Par Mathilde Chénin, 2024
Extrait du texte commandé et produit par le Réseau documents d'artistes
Le Réseau documents d’artistes a proposé à Mathilde Chénin de prolonger sa réflexion sur des pratiques et des formes artistiques qu'elle désigne comme relevant d’un art en usage — autrement nommées pratiques habitantes de l’art — au sein de sa thèse de doctorat, soutenue en 2022 à la croisée de sa pratique artistique et collective, et de sa position d’apprentie sociologue.
Pour cette publication, elle a fait le choix de faire le récit de trois rencontres qu’elle a sollicitées avec des artistes du Réseau documents d'artistes : Tristan Deplus (Documents d’artistes Bretagne), Emmanuel Louisgrand (Documents d’artistes Auvergne-Rhône-Alpes) et Masahiro Suzuki (Documents d’artistes Provence-Alpes-Côte d’Azur). Trois rencontres comme trois portraits, une plongée dans le parcours respectif de ces artistes, afin de tisser de manière sensible, de proche en proche, un regard sur les formes auxquelles ils donnent lieu et les lieux auxquels ils donnent forme.
● Lire la publication complète sur le site www.reseau-dda.org
Emmanuel Louisgrand, 22 juin 2024, Greenhouse, Saint-Étienne
Ce jour-là, un samedi, j’arrive très en avance à Saint Étienne, je suis venue en voiture et comme d’habitude, j’ai prévu trop large. J’appelle Emmanuel. Malheureusement, je le prends un peu au dépourvu, il n’est pas tout à fait prêt. Ce n’est pas grave, j’attendrai. J’en profite pour faire le tour du pâté de maison, découvrir l’environnement proche de Greenhouse où nous avons rendez-vous et dont le site internet m’indique que l’association qui gère le lieu « promeut l'art contemporain, le design, l'architecture » : le lycée Honoré d’Urfé d’abord, flambant neuf, qui dénote avec la facture friche de Greenhouse ; la Brasserie Stéphanoise en contrebas ; des habitats collectifs espacés de larges parkings où il n’est pas certain que l’on ait le droit de se garer. De retour devant le bâtiment, j’ausculte le mur couvert de graffiti, en repère un ou deux qui me ravissent. Je scrute la rue. Par où Emmanuel arrivera-t-il, comme je pense encore à ce moment-là qu’il arrivera lui aussi en voiture. C’est finalement par le portail d’entrée qu’il apparaît et m’invite à avancer. Je comprends rapidement que Greenhouse est donc à la fois un lieu d’exposition dont il assure la programmation, mais aussi son lieu de vie. Depuis 1999, me dira-t-il. Nous commençons par faire le tour de l’exposition qui a verni la veille au soir1. C’est une collaboration entre deux générations d’artistes, dont un de ses ancien·ne·s étudiant·e·s avec qui il a eu plaisir à travailler. Il évoque la manière qu’il a de « s’immiscer » dans les productions dont il assure le commissariat pour Greenhouse. On aurait tort d’y voir de l’ingérence ; plutôt une manière de « ne pas sacraliser » l’œuvre, quelque chose d’un rapport à la partition musicale, un goût de l’interprétation.
Après ça, nous montons chez lui. À l’étage, sur toute la longueur de cette ancienne brasserie Mossier, règne un bazar formidable : un paradis d’objets en tous genres stockés en ordre dispersé sur de vastes étagères ; ici ou là des fragments d’œuvres ; un bout d’atelier avec ses outils et ses matériaux ; cinq chats qui disposent là d’un vaste et aventureux lieu de vie, et puis, çà et là, des bouts de maison, des îlots impeccablement rangés, le vaisselier près de l’évier auquel on accède en montant sur une marche ; la cuisine, qui a pris place sous l’une des serres en bois qu’il avait construites pour les jardins ouvriers du père Volpette (Volubilis ou silence autour des jardins ouvriers, juin-juillet 1997), ou encore sa chambre, seul espace à être ici isolé, sous son cube vitré. Emmanuel dira un peu plus tard que ce lieu est « son seul trésor de guerre », car bien qu’il bénéficie aujourd’hui de la stabilité d’un poste d’artiste-enseignant à l’École Supérieure d’Art d’Annecy-Alpes (ESAAA), il ne roule décidément pas sur l’or. Nous nous installons à la table de la cuisine, sous les montants rouges de la serre, dans cet espace à la fois délimité mais entièrement ouvert. C’est là que nous passerons les heures suivantes à converser. Il ne répondra jamais vraiment aux questions que je lui pose, en tout cas pas directement. Sa manière de se raconter tient bien plus du flux et du reflux que de la ligne droite, repassant chaque fois avec un œil différent sur les mêmes dates, les mêmes époques, les mêmes lieux, comme un dessin qui viendrait se densifier au fil du temps.
Emmanuel a grandi dans le Pilat, au sud-est de Saint-Étienne, auprès d’une mère infirmière libérale et d’un père peintre, dessinateur et enseignant aux Beaux-Arts. Bien qu’il ne grandisse pas dans une famille d’agriculteurs, il passe un bout de son enfance et de son adolescence à conduire des tracteurs et faire des bottes de foin. De cette époque, il conserve le goût pour le travail agricole et son dur labeur, goût qu’il cultive chaque année en se faisant employé saisonnier décuveur auprès de la coopérative du Pérréon en Beaujolais2. Et ce, depuis 35 ans. Le fait qu’il vienne « du sérail » n’influe pas tant son choix d’entrer à son tour aux Beaux-Arts de Lyon que la détermination avec laquelle il aura de traverser ces années d’apprentissage entre 1987 et 1992. Il fréquente alors la scène Rock alternatif lyonnaise, achète ses disques chez Gougnafland sur les pentes de la Croix-Rousse et sur les conseils d’une certaine Virginie Despentes, et suit de près la naissance du groupe Ze6 où officie Loran Béru suite à la séparation des Bérurier noir. Tout cela « sans prendre de drogue, sans boire d’alcool, en étant complètement investi dans son travail artistique ». Il hérite donc tout autant de Support Surface, du land art, du courant minimaliste, de la sculpture anglaise, de Beuys que des squats et de l’underground lyonnais. À cette époque, il fréquente aussi les marchés, fait des compositions picturales avec des légumes et s’intéresse à la dualité, ou plutôt à la transition entre ville et campagne. Parallèlement à ses études, il travaille comme pompiste dans une station-service d’autoroute au sud de Lyon. L’expérience de ce job alimentaire qui durera cinq ans prend fin brutalement un soir de braquage foireux qui confirme en lui la nécessité de se mettre au vert. Le moment de bascule aura donc lieu en 1994 : il quitte Lyon, s’installe à Saint-Étienne, abandonne de produire des objets pour le white cube et passe du dedans au grand air d’un atelier qu’il installe au sein des jardins ouvriers du père Volpette.
Le jardin, c’est de là que tout partira et où tout reviendra toujours. Ce jardin-ci, celui de Volpette, géré par des pères catholiques depuis la fin du XIXe siècle et dont les sociabilités se sont tissées au gré de l’arrivée des populations migrantes nouvellement installées dans la ville3, constitue pour lui un espace de liberté immense, une ouverture soudaine des possibles. Polonais·e·s, Italien·ne·s, Espagnol·e·s et Marocain·ne·s y viennent en effet depuis la fin des années 1930 faire pousser ce qui contribuera à leur subsistance, mêlant les uns aux autres leurs arts de cultiver et de se nourrir. Un jour, quelqu’un au jardin lui donne une graine de haricot d’Espagne, une plante facile à faire pousser. C’est là qu’il se rend compte qu’il « a la main verte », quelque chose qui lui vient comme ça, comme cela pourrait être faire la cuisine ou de la peinture pour d’autres, quelque chose qui lui vient en le faisant. Ce geste de passation du matériau graine sera pour lui comme une transmission de la capacité de passer d’un monde à l’autre. Son premier geste consistera alors à installer des treilles orange et y faire grimper les haricots (Treillages, juin - septembre 1995)
En 2005, l’artiste Jean-Luc Brisson qui officie en tant qu’enseignant en arts plastiques à l’École Nationale du Paysage l’invite à intervenir auprès de ses étudiant·e·s à Versailles en tant qu’artiste-jardinier. Bien que cela fasse déjà une dizaine d’années qu’il œuvre dans et avec le jardin, c’est la première fois qu’il ajoute ce qualificatif à son travail d’artiste. Il a plus souvent fait l’expérience d’être entre deux, toujours trop quelque chose aux yeux de ses interlocuteur·rice·s (« trop art contemporain pour les paysagistes, trop designer pour les artistes, trop paysagiste pour les architectes »), en bref spécialiste de rien. Aujourd’hui, il se définit volontiers comme un praticien, celui qui a la connaissance et l’usage des moyens pratiques. C’est ce qu’il a forgé en installant son atelier au sein de jardins ouvriers du père Volpette où l’apprentissage se fait en travaillant avec les autres. Le faire, le travail, ces notions sont centrales à ses yeux. Elles sont d’abord indissociables du Genius Loci de Saint-Étienne où il a passé la majeure partie de sa vie, de son ambiance industrieuse de ville de labeur et de mine. Un fantasme aussi peut-être, me dit-il, de la figure de l’artiste ouvrier héritée de 1968. Parce que travailler en artiste a bien quelque chose à voir à ses yeux avec un engagement plein du corps, une forme de dépense qui frôle parfois l’épuisement, un « côté performatif ». Le jardin permet de faire cette expérience, lui qui demande effort et assiduité. Quand il pense à celui qu’il a ouvert au sein de l’ESAAA et où il propose à des groupes d’étudiant·e·s de nourrir leurs pratiques naissantes de ce contexte singulier qu’est le jardin, il se pose parfois la question des motivations intrinsèques qui le et les poussent à y aller chaque semaine, alors que le travail est fastidieux, « que la terre est basse », qu’il pleut parfois plusieurs semaines d’affilées.
Les premières propositions qu’il fait aux Volpette lui valent le surnom de « défenseur des tôles rouillées ». Mais c’est à partir des haricots et de Treillages qu’il va développer son langage plastique à l’opposé de l’esthétique « palette et récup’ » si fréquemment associée aux jardins partagés. Le jardin punk4, pour lequel il suffirait de ne rien faire, devient même, à ses yeux, un contre-modèle. « Un jardin, ça doit se voir », me dira-t-il. Alors dans les jardins d’Emmanuel, il y a d’abord toujours une structure ajourée qui vient délimiter l’espace, le clôturer tout en laissant au regard le loisir et la possibilité d’aller et venir, de fluer entre le dedans et le dehors. Et la couleur orange là-dedans ? C’est un peu comme une sous-couche au tableau, une manière de signifier qu’il y a bien là une intervention artistique, « un signe distinctif et un point de ralliement » comme le dit Martial Déflacieux dans un texte de 20195. À l’intérieur du cadre, l’espace lui aussi est ordonné, cette fois par les circulations, les allées, avant que de n’être composé picturalement par les plantes et le vivant. Emmanuel emprunte parfois aux structures classiques, traditionnelles, celle du jardin à la française par exemple, qu’il vient déjouer. À Istres, les circulations ne servent ainsi pas tant à tendre la perspective et guider le regard, qu’à permettre aux poules de se déplacer et d’accomplir le nettoyage du sol qui leur est dévolu (Allégorie du jardin à la française, 2001-2002).
Quant à la matière même des pièces, ce sont donc, à la place des pigments ou des objets, les plantes et le vivant. L’art d’Emmanuel consiste alors à marcher sur une crête. D’un côté, entre sculpture et chorégraphie, il s’agit de conduire ce qui se passe au jardin, non seulement en termes de composition, d’agencement, d’équilibre, mais également en termes beaucoup plus prosaïques d’existence : comment, très basiquement, tu fais pousser et vivre les plantes ? De l’autre, donc, ce vivant qui vient peupler les propositions et qui ne saurait être totalement maîtrisé ou contrôlé, impose un lâcher-prise quasi absolu sur l’intention première et ce à quoi elle donnera lieu. Parfois, surprise au jardin, c’est joyeux ! Parfois, caramba, tout part à vau-l’eau, comme à Caen, à la Guérinière, où la pyrale du buis ravage aujourd’hui la pièce qui durait depuis 10 ans. Ce vivant qui échappe, qui déborde, avec ses trajectoires d’existence — la naissance, la vie, la mort puis peut-être, ce serait heureux, la régénération — offre au travail d’Emmanuel sa dimension essentielle : celle du devenir dans la durée. L’œuvre qui s’installe dans cette temporalité longue a donc souvent plusieurs vies. En fonction des saisons d’abord, et puis du soin et de l’attention qu’on lui porte, de la manière dont on se fait son compagnon, sa compagne. À Istres, après une première saison consacrée aux fleurs en mélange et autres chénopodes, la deuxième fut celle du blé et des tulipes. Puis les jardiniers municipaux, qui n’y ont pas regardé de près, tant l’habitude des « espaces verts » est celle du « nettoyage »6, ont tout fauché, rasé, à sec. Il a fallu tout reprendre, depuis le début, recommencer. Cette fois avec des cucurbitacées.
Dès lors, les projets, tenus par la vie du jardin, l’occupent pendant des années — entre 2003 et 2008 pour L'Îlot d'amaranthes à l’angle de la rue Sébastien Gryphe et de la rue Montesquieu dans le 7e arrondissement de Lyon ; de 2009 à 2013 pour Une pépinière pour la Guérinière à Caen. Il retourne régulièrement sur le lieu de certains pour veiller au grain. Comme à Turin par exemple qui est devenue sa deuxième ville d’adoption, pour La Folie du PAV7, où il ne manque pas, tous les deux mois de revenir, comme on irait chez le coiffeur, pour redonner de la forme, « retrouver la trame ».
Mais « les œuvres ont la vie dure », comme le dit Martial Déflacieux (2019). Elles ont elles aussi besoin, pour faire preuve de cette capacité à surmonter les traumatismes et à perdurer dans le temps — capacité que l’on nomme résilience — d’attention, d’attachement, de soin et de sollicitude. Et pour continuer à être accompagnées, les œuvres ont parfois besoin d’être transmises, d’être léguées. À l’image de L’Arc de triomphe de Patrick Raynaud, installé entre 1986 et 1988 à Givors et embouti par un bus en septembre 2014, et dont Emmanuel a reçu la charge en 2019 de la prolonger, de la réparer en somme, de la faire perdurer. Corollaire de la dimension temporelle des œuvres, celle de leur leg n’a pourtant rien d’évident. Comment tu fais pour « lâcher l’œuvre » ? Afin d’expliciter la question, il évoque le moment quand, parent, tu dois lâcher ton enfant en le laissant chez la nounou ou plus tard à l’école, le pincement que cela provoque. Mais voilà, tu n’as pas le choix, tu dois le·la laisser vivre, partir. Avec les œuvres, les jardins, c’est pareil.
Plus avant, la question du leg est délicate parce qu’elle pose celle de la communauté qui viendra accueillir, prendre soin et prolonger ce qui lui est transmis. Le jardin, particulièrement, a besoin d’être en communauté pour advenir : quand plus personne ne s’en occupe, il s’enfriche, il disparaît, il cesse d’exister. À cet égard, la question du commun dans le travail d’Emmanuel est comme en tension. Il ne se reconnaît d’ailleurs pas dans les démarches « le jardin, une école des communs ». Ceci ne manque pas de nourrir d’interminables discussions avec sa sœur qui, elle, pense au contraire que quelque chose du bien être ensemble se tisse dès lors que l’on partage le soin et la responsabilité d’un jardin, comme c’est le cas au Jardin Jet d’eau qu’Emmanuel a aménagé à Dakar sur l’invitation de l’association Kër Thiossane qu’elle a contribué à fonder. Aucune volonté participative ne préside pourtant à son geste qui est celui, littéralement, d’un créateur, c’est à dire de « celui qui croit en la forme qui va advenir », celui qui va composer, qui va mettre en espace. Et ça, c’est un travail qui s’apprend, qui se pratique, qui se cultive et pour lequel tout un chacun n'a pas nécessairement le goût, les qualités ou les compétences. Il n’y a donc pas, chez Emmanuel, d’injonction, ni à participer, ni à jardiner, ni à faire commun. Ça, c’est finalement le jardin lui-même qui s’en charge. Car, quand on y travaille ensemble, un jardin, c’est comme un chantier pour celles et ceux qui s’y impliquent, ça fabrique du lien ténu, racinaire, du lien par la présence et le corps tout entier, par résonance, par tous les pores et tous les sens. Et c’est sûrement à cet endroit qu’Emmanuel et sa sœur peuvent finalement tomber d’accord.
Dans le cas de L’Îlot d’amaranthes, le commun est une histoire de flux et de reflux, voire de ressac. La première intervention en 2003, à l’invitation de la galerie Tator, est une serre fermée, pas de commun donc (La serre sur le parking, 2003). En 2004, des parcelles ouvertes aux habitant·e·s du quartier sont adjointes à la serre. Brigitte Costy, une jardinière riveraine témoigne de ce que « (…) l’îlot, signature d’artiste au départ, s’est [alors] ouvert au questionnement collectif par le regroupement progressif de jardiniers amateurs habitants du quartier »8. S’en est suivie une phase au cours de laquelle chacun·e s’est approprié·e une parcelle et a commencé à la cultiver à son goût. Au cours de la seconde phase d’extension en 2006-2007 à la suite de la démolition du dernier immeuble de la parcelle, le jardin cultivable s’est agrandi et a donné lieu à un partenariat avec l’association Brind’Guill en vue de coordonner l’action de jardinage et de cogérer l’espace. Emmanuel a alors œuvré pour (re)donner du cadre à tout cela, sortir de la logique de la parcelle individuelle afin que l’hétérogène trouve des voies de composition, « articulant les genres, les espèces, les volumes, les hauteurs, les couleurs »9 pour que l’idée du tout ne se perde pas dans la dispersion de ses parties. Il proposera ainsi un plan d’ensemble, un panneau d’affichage destiné à rendre visible l’emplacement des un·e·s et des autres, les travaux à réaliser en commun, etc. Et puis le temps a passé et la question, elle, est restée : comment faire perdurer — le commun, l’attention portée ensemble, la présence, le jardin — quand « les nécessités rongeuses du quotidien de tout un chacun reprennent le dessus »10 ? Cette question, à L’Îlot d’amaranthes comme ailleurs, ne se résout pas une fois pour toutes et de manière unilatérale. Comme la pousse des plantes qui dépend avant tout des singularités locales, la manière de transmettre, de léguer, de faire communauté dépend du contexte, du terrain et est à chaque fois remise en jeu de manière endogène.
Voilà, il est déjà 13h et la faim commence à se faire sentir. Emmanuel concocte sur le pouce des Pasta à la tomate façon italienne que nous engloutissons sans attendre. Nous continuons à parler de tout et de rien, de ce que cela fait de vivre vite, des Endimanchés et de la Ferme du Bonheur. Après le repas, on hésite, il me faudra bientôt prendre la route pour retrouver famille et maison et lui a rendez-vous dans trente minutes pour une visite de Greenhouse. Mais allez, trente minutes, c’est serré mais bien assez pour sauter dans ma voiture ; choisir grâce à ses conseils de co-pilote avisé les meilleures trajectoires ; se garer, mal, place du bi-centenaire ; faire l’expérience de Grille monumentale qu’il y a installée avec Marion Darregert en 2015 ; prendre à deux pas le pouls des tilleuls de Sculpture monumentale (2006) ; remonter dans la voiture ; traverser Saint-Étienne en sens inverse ; apercevoir la maison sans escalier d’Étienne Bossu, où il logeait en 1995 et qui lui offrait alors tout le confort du chauffage central ; se garer, à l’arrache, sur un parking en hauteur ; naviguer entre un talus et un tas d’ordures pour apercevoir enfin, là-bas, en face, les jardins du père Volpette. D’où tout part et où tout revient, toujours.
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— 1.
Vernaculaire, de Nathan Willerval & Patrick Condouret. Sur une proposition curatoriale d’Emmanuel Louisgrand, Greenhouse (Saint-Étienne) du 20 juin au 20 juillet 2024.
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— 2.
Voir à ce propos L’art du décuvage, une vidéo de Rémi Cneude extraite de l’exposition Vendanges, commissionnée par Emmanuel Louisgrand à la Halle des Bouchers à Vienne en novembre 2022 : https://www.youtube.com/watch?v=qvNNyIhCRWU
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— 3.
MAGAND, J. (2005). Histoire des jardins Volpette à Saint-Étienne, Éditions Jardins Volpette.
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— 4.
LENOIR, E. (2018). Petit traité du jardin punk : apprendre à désapprendre, Éditions Terre Vivante, Mens.
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— 5.
DÉFLACIEUX, M. (2019). L’Arc de triomphe ou Résilience d’une œuvre d’art, auto-édition.
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— 7.
Le Parco Arte Vivente (PAV) est un lieu d’art contemporain dédié aux arts vivants initié et longtemps dirigé à Turin par l’artiste Piero Gilardi : https://parcoartevivente.it
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— 8.
LOUISGRAND, E. (2008). L’îlot d’amaranthes, Édition Roger Tator, p. 34.
- — 9.
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— 10.
LOUISGRAND, E., op. cit., p. 36. C’est toujours aujourd’hui l’association l’asso Brind’Guill qui gère les trois jardins de l’îlot Mazagran, dont le jardin historique établi par Emmanuel Louisgrand dit le « jardin amaranthes ».
Biographie de l'auteur⋅e
Mathilde Chénin est artiste et docteure en sociologie. Dans sa pratique, elle explore les formes créées par l’être ensemble au moyen d’écritures élargies, visuelles et performatives. En 2016, elle co-fonde bermuda, ateliers mutualisés de fabrication, de recherche et de diffusion en arts contemporains (Sergy, FR), aux côtés des artistes Max Bondu et Guillaume Robert, de la commissaire d’exposition Bénédicte Le Pimpec et de Julien Griffit, ingénieur informatique. En 2022, elle soutient une thèse sous la double tutelle de l’EPFL et de la HEAD—Genève qui s’intéresse aux grammaires du commun par le proche telles qu’elles se composent au sein de lieux collectifs de vie et de travail artistique. Cette thèse a donné lieu à la publication de l’ouvrage Le commun par le proche. Construire et habiter en artiste aux éditions MētisPresses (2024). Aujourd’hui, elle prend part au projet « Nouvelles solidarités alimentaires » (CITE HES-SO Genève), qui accompagne la mise en œuvre d’une politique publique et transversale de l’alimentation sur le territoire du Grand Genève.
Au jardin d'expérimentations
Par Claire Guezengar
In Ilôt d'Amaranthes, Édition Galerie Tator, 2008
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2011
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