Note tenue
Note tenue
Catalogue de l'exposition Tenir, debout, Musée des Beaux-Arts de Valenciennes, 2010
En 1871, la Commune vote pour la démolition de la colonne Vendôme, déclarée symbole "de force brute et de fausse gloire".
En 1873, Gustave Courbet, un des instigateurs de cette décision, est condamné par le nouveau gouvernement à payer la reconstruction de cette colonne.
En 1920, Constantin Brancusi isole puis étire jusqu'au ciel les balustres des fermes de sa Roumanie natale pour en faire ce qu'il nomme la "Colonne sans fin".
En 1966, Carl André annonce qu'il couche la colonne de Brancusi en alignant des briques sur le sol.
Il se distingue dans les années suivantes en réalisant des sculptures dont la hauteur est réduite à l'épaisseur de plaques de métal posées sur le sol.
En 1998, Richard Serra érige près de Essen dans le bassin de la Ruhr, une plaque de métal de 15 m de haut qu'il nomme "Bramme" en référence aux activités sidérurgiques de cette région. En isolant cette plaque sur un très grand terre-plein, Serra rompt avec ses préoccupations formelles antérieures concernant l'interaction de la sculpture avec son environnement. En l'assignant à une fonction commémorative, il lui suffit alors qu'elle se distingue à l'horizon, qu'elle serve de repère. De plaque radicalement abstraite qu'elle était en sortant des laminoirs, la pièce de métal dressée retrouve toutes les vertus du monolithe, elle devient une stèle.
En 2008, Alain Séchas est invité à exposer dans l'ancien atelier d'Antoine Bourdelle transformé en musée. Il saisit cette occasion pour manifester son amusement à propos des œuvres qui sont mises à bas ou qui sont élevées pour faire de l'histoire. Il met en scène une reproduction en résine du "Centaure Mourant" de Bourdelle. Environ tous les quarts d'heures, la sculpture tombe en morceaux sur le sol et se relève quelques instants plus tard pour reprendre sa position initiale. Ni la chute ni le redressement de la sculpture, ne sont accompagnés d'une déclaration de l'artiste susceptible d'orienter le sens de cette scène. Les allers-retours des différentes parties, qui sont pourtant reliées par des mécanismes très visibles, provoquent l'effet comique d'un film projeté en avant puis en arrière. Après avoir vu l'éclatement de la sculpture puis sa recomposition, on sait que la statue édifiée est aussi un pantin articulé et on comprend que cette scène est pathétique ou aussi bien burlesque.
Richard Monnier, août 2010