Samuel Rousseau
Dossier mis à jour — 19/12/2011

Ce

Ce que la terre nous dit
Par Laetitia Sellam, 2007

Et si pour décrire Maternaprima, l'œuvre de Samuel Rousseau, le terme qui convenait le mieux était celui d'image monstre ?

Enigmatique, excessive, Maternaprima est ambivalente. Composé de continents et d'océans au repos, recouvert de nuages, le paysage de la sphère terrestre que l'artiste donne à voir n'a rien d'imaginaire. Samuel Rousseau a scrupuleusement capté des images satellites du globe pour réaliser cette pièce.

Projetée dans la pénombre, Maternaprima dévore et aspire l'espace. Condensé en une dizaine de minutes, le mouvement de rotation terrestre donne le vertige. Devant ce manteau terrestre, tout à la fois liquide et solide, le spectateur se fait tout petit. Ebloui par sa beauté brute, celui-ci se trouve simultanément enveloppé d'une grande douceur et susceptible d'être sujet à une syncope éveillée, presque écrasé. Car  Samuel Rousseau ne s'est pas contenté de condenser visuellement et temporellement la beauté de la terre. À sa surface, l'artiste a opéré des métamorphoses.

C'est une bosse, puis une autre, puis une autre encore qui viennent troubler cette vision en accéléré. L'artiste met le globe à vif en le déformant précipitamment. À l'intérieur de la terre, il se passe quelque chose. Ce quelque chose pousse, existe, résiste. On savait que la terre n'était pas ronde, et qu'elle ne tournait pas très rond non plus. Ces soubresauts internes révèlent une énigme. Que se cache t-il à l'intérieur de notre terre ?

Pulsion de vie, pulsion de mort.

L'œuvre laisse présager débordement brutal et forces incontrôlables. Elle met en évidence comment la terre peut s'ébrouer avec violence, entrechoquer ses plaques tectoniques et provoquer des catastrophes naturelles. Mais Maternaprima exprime également la puissance de vie de la planète. Telle une métaphore de la maternité, la bosse de Maternaprima évoque le bébé cognant à la surface élastique du ventre de sa mère, son petit cœur énergique qui bat et qui désire.

Les sens sont multiples et certains verront à l'inverse dans ces déformations un avertissement funeste à ce que l'homme fait subir à la terre.

Face aux interprétations, l'artiste ne se prononce pas. L'énigme garde son épaisseur. À chacun de cerner pour lui même cette étrangeté, cette terra incognita qu'est le globe terrestre. Quant à l'œuvre elle-même, elle est une image vibrante à la puissance de sidération peu commune.