Slimane Raïs
Dossier mis à jour — 08/09/2016

Slimane Raïs / Christian Ruby

ouvrage le bal

ouvrage le bal

Slimane Raïs / Christian Ruby
Catalogue de l'exposition Le bal, Espace d'arts plastiques de Vénissieux, 2004
Collection Hlm, Ed. La passe du vent, 52 pages, 2005

Dialogue autour de la notion de spectateur
Extrait du texte de Christian Ruby

 

Après avoir parlé du travail de Slimane Raïs dans une chronique, ce dernier a pris contact avec moi et m'a estimé capable d'intervenir dans son œuvre par le biais de cet écrit. Qu'il en soit remercié. Surtout de cette possibilité de croiser nos recherches, évitant de laisser se perpétrer le mythe d'une toute puissance de la philosophie sur les autres activités. Mais plutôt que de redoubler par des mots ce à quoi chacun peut s'exercer au sein de ses travaux, en les commentant, j'ai choisi de tenter d'éclairer, à l'occasion de cette proposition, la situation présente faite au spectateur par les travaux d'art contemporain. Les œuvres de Slimane Raïs déploient fort bien la différence entre une "expérience esthétique" dont l'objectif est de restaurer le lien entre l'art et la vie, soumettant l'art aux lois de l'intérêt, et un "exercice artistique" qui, accordant toute son importance à la pratique, n'est cultivé que pour lui-même. Au surplus, le lecteur comprendra rapidement que les photos de ses œuvres, choisies et publiées ici, ne se contentent pas d'illustrer le texte, elles interrogent plutôt ces deux notions avec leurs moyens propres. Et nous nous retrouvons alors devant la nécessité de nous appuyer sur un nouveau concept, dont nous empruntons le nom "spectacteur" au psychanalyste Daniel Sibony. Encore le faisons-nous fonctionner dans le seul cadre qui nous préoccupe ici.

 

Si le spectateur contemporain et d'art contemporain déploie actuellement un sentiment désespéré devant certaines œuvres, soyons certains qu'il ne va pas pouvoir s'en défaire aisément. Il peut d'autant moins écarter ce sentiment d'un geste, en déclarant que "cela ne va pas durer !", que nous sommes entrés de plein-pied dans un nouveau moment de l'histoire de l'art dont la propriété, en même temps que la première vertu, est de déstabiliser ses évidences de spectateur et même de regardeur, acquises puis, par oubli de leur histoire, muées en attitudes passant pour "naturelles". Néanmoins, en lui donnant une chance de se former autrement, de s'ouvrir à de nouveaux horizons quant à ses rapports aux œuvres, aux autres et à sa culture, ce moment de notre histoire de l'art, celui de l'art contemporain, le transforme en spectacteur momentané des œuvres. [...]