Vir Andres Hera

Dossier mis à jour — 13/10/2022

Né⋅e en 1990

Vit et travaille en Savoie

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« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. »
Cette citation de Lavoisier pourrait se trouver au frontispice de l’atelier de Vir Andres Hera. Toute sa démarche consiste en effet à lutter contre l’idée d’une péremption de la culture. Le voilà qui transcrit phonétiquement en arabe des poèmes d’une religieuse mexicaine du XVIIe siècle. Pas question pour lui de cantonner Soeur Juana Inés de la Cruz à une culture ancienne, occidentale et élitiste. Ou le voici soudain au jardin botanique, l’oeil de sa caméra vissé sur un herbier ancien pour, au moyen de montages, y faire reverdir les fleurs ramassées lors de l’expédition royale en Amérique. Et le voilà encore qui suit la marche à reculons d’une indienne tlapaneco consciente de parler une langue morte dans un corps vivant et moderne. Mais recule-t-elle vraiment ? Chiffonnant d’un geste les théories positivistes de l’art, Vir Andres Hera nous pose continuellement la question suivante : qu’est-ce qui recule et qu’est-ce qui avance ? Et si l’histoire n’était qu’un gigantesque palimpseste écrit par le même homme ? C’est bien ce que semble dire le livre qu’il a publié sous le titre de Pieter Van Gent, auteur mystérieux supposé immortel d’un palimpseste de 777 pages qui traverse l’histoire du Mexique, de la colonisation espagnole à la fin du XXe siècle. Et la terre, son architecture, sa toponymie semblent être les seules références stables de ce vaste parcours temporel. 
 
C’est parce que l’artiste est fasciné par la diversité, parce que comme l’exote de Victor Segalen il « sent toute la saveur du divers » qu’il s’y perd et nous perd avec lui. Mais c’est pour mieux nous repêcher. En effet, face au foisonnement vertigineux de la production de biens culturels, Vir Andres Hera cherche toujours à attirer notre attention sur ce qui reste. Cette obsession de la permanence l’amène par exemple à se rendre au Pays Basque, sur les lieux qui ont inspiré le tableau Échanges des princesses Anne d’Autriche et Isabelle de Bourbon sur le Bidasoa de Peter Van Der Meulen pour observer ce qui perdure de cet échange de femmes dans le vieux port. Sa démarche n’est pas archéologique : il n’exhume pas le passé, il en prolonge les sortilèges octroyant un supplément d’âme à ce que l’homme autrefois a produit. On dit souvent que traduire c’est trahir : à l’inverse, la démarche artistique de Vir Andres Hera est tourmentée par la fidélité.

Vir Andres Hera, Artiste de la Casa de Velázquez — Académie de France à Madrid, texte de Amine Damerdji, 2016