Awena Cozannet
Dossier mis à jour — 27/02/2025

Textes

La sculpture ouverte

Par Pauline Lisowski, Magazine Artension, 2024

Corps en présence

Par Laurence d'Ist, Le Quotidien de l'Art, 2023

Chemin faisant

Par Pauline Boucharlat, Semaine n°464, éditions Immédiats, 2023

Porter son "dire"

Par Virginie Gautier
Catalogue de l'exposition Coton et dissonances artistiques, Musée du textile de Cholet, 2021

Quel courage a soudain germé sous le granite

Par Odile Crespy, 2017

Diplômée de communication graphique et illustration, Awena Cozannet abandonne la carrière qu’elle pouvait mener dans ces domaines pour se consacrer à la sculpture : interpellée par les questions récurrentes du rapport de l’homme au monde, de son évolution à travers une histoire millénaire (d’où vient-il, qu’est-il ? etc.), elle cherche des éléments de réponse à même le sol, pétrissant des corps nus dans une terre fraîchement retournée d’où ils semblent sortir tout droit du mythe. Apparaît ainsi une figure de Médée parée d’herbes et de branchages, célébrée hors public dans la parade spontanée d’un danseur butō, tel un Merce Cunnimgham s’associant à une création de John Cage. Dans le cadre d’une démarche initiatique, elle pourrait être Kundry, le personnage sans âge et sans origine qui relie Parsifal au monde et à la connaissance dans l’opéra de Wagner.

Ces premiers contacts fournis par la nature lui ont donné le goût d’utiliser dans tout ce qu’elle fera par la suite des matériaux de la vie ordinaire, « qui ont servi » car ils sont porteurs de temps et succeptibles de renaître au beau. On peut parler d’arte povera enraciné dans l’univers tangible et toujours prisé par les artistes d’aujourd’hui. Awena Cozannet rassemble et assemble des cordes, des fils de toutes sortes, des tissus qu’elle a appris à calandrer en Chine, sublimés par un indigo lumineux, des matières flexibles ou molles, parfois des bitumes, de la pierre ou du béton auxquels « elle ajoute ses rêves et ses cauchemars ». De ses mains plus robustes que son apparence ne le laisse supposer, elle amalgame, tisse, tricote, tire l’aiguille dans le geste rituel de celui pour qui le temps, parce qu’il est infini, ne compte pas.

Plusieurs voyages dans des régions pauvres d’Asie (Bangladesh, Pakistan, Birmanie, Chine...), dont elle découvre la réalité intime, suscitent en elle une empathie grandissante : « Je veux être cette femme qui marche, sa représentation, son espace... ». Surmontant « son impuissance, son immobilisme glacé », elle tisse des « masques de larmes » avant d’éprouver cette évidence troublante : elle ne peut plus modeler un corps, le corps EST le matériau. Elle devient elle-même ces femmes courbées dans les rizières, qui ploient leur corps meurtri sous la charge matérielle et immatérielle de leur allégeance à la terre : leur rendant hommage en retour, elle enveloppe son propre corps d’une lourde et inconfortable « sculpture » ni habit ni carapace, peut-être poids du travail et poids du malheur ? Elle s’en extrait alors et suspend sa création qui a aspiré ce qui restait de l’âme et semble entrer en lévitation. Son œuvre Silence revisite le « concept de phorie » (le fait de porter) qu’avait illustré Michel Tournier dans Le Roi des Aulnes avec la création du personnage inoubliable d’Abel Tiffauges, face sombre de Saint Christophe... On retrouvera ce thème récurrent dans son œuvre, jusqu’à cette « étude noire » au crayon, pastel et aquarelle, Porter son frère, qui établit un équilibre entre porteur et porté comme si leurs statuts pouvaient être inversés.

Ce jeu des oppositions est ailleurs présent dans une installation récente et atypique dans son travail habituel, Ici là : deux figures symbolisées par des œillères en cuir cousu se regardent et s’ignorent. Au centre, un personnage féminin, vêtu de noir ; au fond le Père, vêtu de laminaires, cuir et métal : s’emparant de la tragédie d’Antigone relue par Henri Bauchau, l’artiste déroule dans sa mise en scène à l’échelle humaine une cascade d’allégories qui s’emboîtent les unes dans les autres. Deux frères, l’Orient et l’Occident, le temps circulaire et le temps linéaire, deux ordres en apparence irréconciliables selon le père, symbole du Temps, entre lesquels Antigone, la juste, veut apporter sa vérité...

En aucun cas pourtant l’artiste ne se laisse subjuguer par le caractère douloureux, parfois cruel, des réalités qu’elle côtoie. Elle n’est pas fascinée par ce qui est morbide et ne consent pas à donner l’image du délabrement. Souvent son regard s’éloigne du contexte et elle ne transmet, dans l’assemblage compact de ses broderies ou de ses cordages érigés en sculpture, que la luxuriance d’une parure de mariée, aussi riche en couleur qu’un tableau de Bram Bogart, ou les nuances délicates de Robe d’écume qui savoure « le bouillonnement des jours et l’effervescence du moment ».

Tenir le fil

Par Jean-Louis Roux
Tenir le fil, monographie, coédition Galerie Françoise Besson & éditions jannink, 2014

Le corps relatif d'Awena Cozannet

Par Frédérique Verlinden
Tenir le fil, monographie, coédition Galerie Françoise Besson & éditions jannink, 2014