Textes
BOUM
Par Françoise Lonardoni
Présentation de la série Boum, Bibliothèque du 3e arrondissement, Lyon, 2013
BOUM
Par Françoise Lonardoni
Présentation de la série Boum, Bibliothèque du 3e arrondissement, Lyon, 2013
Texte de Marie Lapalus
Catalogue Ô saisons, ô châteaux, Musée des Ursulines, Mâcon, 1999
Texte de Marie Lapalus
Catalogue Ô saisons, ô châteaux, Musée des Ursulines, Mâcon, 1999
Texte de Catherine Grout
Catalogue Bruno Yvonnet 1989-1991, Les cahiers du regard, 1992
Texte de Catherine Grout
Catalogue Bruno Yvonnet 1989-1991, Les cahiers du regard, 1992
Graveur à l'origine, Bruno Yvonnet a trouvé et gardé son expression favorite : celle à partir du noir et blanc. Après avoir mis de côté la gravure, il aurait pu faire de la photographie, mais ce medium est sans doute trop mécanique pour lui apporter satisfaction. Il a besoin du contact avec un support, de la plus ou moins grande résistance de celui-ci lors de l'élaboration de l'image ; ce support est autant matière que surface (plaque, tableau noir, béton, velours, miroir), fond pour une représentation et en même temps présence tactile, sensorielle (granulosité, pouvoir d'absorption ou de renvoi de la lumière...).
Depuis 1989, ses œuvres montrent l'emploi conjugué de deux éléments : d'une part le paysage, d'autre part des formules toutes faites, (qui sont placées sur l'image) ; celles-ci ne cachent pas leur caractère parodique. Ces formules rappelleront des phrases qui auparavant étaient écrites sur les tableaux noirs des salles de classe (début de la Résolution n°4 : « Pour bien faire mon métier d'écolier je développerai ma curiosité... »). Ailleurs, inscription lapidaire, elle provient des décorations funéraires, et elle devient un titre plus ou moins humoristique (Regrets). Dans la dernière série, le texte est extrait de diverses métaphores, issues du registre romantique, où la nature est hostile (Vallée de larmes).
S'il a toujours placé du texte dans ses dessins, ses gravures, ne serait-ce qu'un mot, il a introduit le paysage dans son travail à un moment donné, presque naturellement, pourrait-on dire. En 1988-89, il réalise une suite intitulée Tableaux noirs-Leçons, (craie blanche sur tableau noir), où il plante des décors : des espaces pour des actions de l'Histoire de France ; ces espaces pouvaient être des paysages, puisque des scènes étaient situées à l'extérieur (l'arbre de Saint Louis...), mais le propos n'était pas directement lié à ce thème. Déjà alors, Bruno Yvonnet s'attachait à trouver la représentation d'un espace qui va de soi, celle qui joue sur le « déjà-vu », c'est-à-dire qui permet au spectateur de se souvenir de l'image, de sentir confusément que celle-ci fait partie de lui, car placée dans sa mémoire. La familiarité de l'image est obtenue par un savant mélange de définition et interprétation subjective.
Puis il réalise les Poncifs en 1989, un an plus tard Nos grands disparus, et en 1991, Monde immense. Apparemment, nous voyons des paysages avec les deux premières séries, alors qu'il aurait disparu avec la dernière ; en fait, les apparences sont trompeuses. Par ailleurs, les paysages décrits ne sont pas issus d'une pratique du plein air, ils ne sont pas le produit d'une perception dans la tradition de Monet ou de Cézanne, ils sont des paysages picturaux : des citations d'œuvres déjà existantes, qui appartiennent à notre patrimoine culturel ; à tel point qu'elles ont indéniablement déterminé, la plupart du temps à notre insu, des automatismes de regard, de cadrage photographique par exemple. Bruno Yvonnet n'invente pas des paysages, il a plutôt cherché des catégories, en quelque sorte, ce qui « fait paysage » si l'on regarde une peinture, et ce sans équivoque. Pour ce faire, prenez comme format celui dit paysage (en France), relevez quelques règles de composition, de relations entre des masses d'arbres, des montagnes (ou colline), de l'eau (mer, lac, rivière...), un centre marqué ou une légère asymétrie (par la lumière, un arbre), ne vous éloignez pas du registre « paysage arcadien » venant en grande partie de détails de tableaux de Nicolas Poussin, (voire de Claude Gellée ou d'Annibale Carrache), peintures qui sont, vous le savez bien, les modèles classiques du paysage ; ou bien en format cinémascope, présentez cinq vues différentes : montagne, plaine italienne, forêt, bord de mer, campagne française, tout en insistant sur l'idée du panorama, (déploiement de l'espace avec un horizon assez haut) ; ou encore, pour un gymnase, avec une logique évidente, le choix se portera sur des stèles (comme des bornes extérieures signalant l'entrée), qui montrent des vues de type antique établies à partir des textes de poètes grecs décrivant le site d'Olympie ; autre modèle de paysage qui a influencé de nombreux artistes, en raison de ses références obligées à l'Antiquité comme origine.
Au-delà du sujet paysage, c'est bien la peinture qui est citée par Bruno Yvonnet, la peinture et sa transformation en formules par des conventions, des codes, des répétitions (il prend pour cible non pas Poussin, mais les épigones, les écoles) ; tout ce qui, en définitive, éloigne la peinture du domaine de l'invention pour celui du discours, de l'image comme support d'un contenu savant, moral, héroïque... Il montre une dépouille, dans une veine tragi-comique. C'est pourquoi, Bruno Yvonnet représente des images affaiblies (usées) et stéréotypées, celles-ci issues d'une typologie sont désincarnées ; c'est pourquoi, également, il ajoute ces sentences civiques (Poncifs), ces formules du souvenir (À nos chers disparus), car elles accusent encore plus le contraste entre un contenu et une image, entre un sens à lire et un paysage à voir. L'emploi du noir et blanc serait-il une allusion à la mort de la peinture ?
L'œuvre (et non l'artiste) porterait-elle le deuil ? Nous pouvons dire, sans nous tromper, que c'est au contraire une façon ironique d'affirmer à sa manière, et en prenant certaines distances, qu'il n'en est rien.
Pourquoi se servir du paysage ? Parce qu'il a souvent évoqué autre chose. Espace symbolique, il évoque tour à tour les pensées de l'homme vis-à-vis du monde, comment il s'y place, la vision qu'il en a, le paysage est le reflet des croyances et des sentiments ; il est le lieu aussi de la liberté du peintre, du jeu de matière et de couleurs, quittant le référent direct pour parler de l'individu. Phénomène d'euphémisation générale et bouleversement de la pensée au XXème siècle, ces paysages, ceux de Poussin, comme ceux de Cézanne (et sans doute comme ceux des films sur la conquête de l'Ouest américain) se conjuguent au passé. La relation à l'espace n'est plus actuellement limitée au sol, au terrain, l'homme ayant un jour pris pied sur la lune, non seulement son regard embrasse la Terre (globe terrestre), mais aussi l'univers, le cosmos. La notion de paysage s'est élargie, l'horizon n'est plus le même (de spatial il est devenu temporel).
Les œuvres de Bruno Yvonnet qui closent la série Monde immense sont intéressantes sur plusieurs points. D'abord elles ne représentent pas un paysage traditionnel, et pourtant il est encore plus présent, sous une autre forme, (métonymique et symbolique) celle de nuages et d'effets lumineux. Ensuite, elles évoquent un envers, un monde placé de l'autre côté : le support est ici un miroir, et les lettres qui accompagnent l'image sont inversées. Avons-nous quitté le monde des apparences ? Ce serait plutôt celui de l'immuable. Autant le miroir (surface changeante car réfléchissante) que la matière qui évoque les nuages, le bitume (forme et matière plus ou moins déterminées), éloignent de l'impression de fixité (de mort) qui était dans les œuvres précédentes.
L'homme romantique, face au paysage, se constituait comme sujet contemplatif ; le paysage contemporain ni localisé, ni représenté, place celui qui le regarde en sujet actif, ce dernier se voit, avec Bruno Yvonnet, en train de regarder, placé en voyeur, son reflet aux prises avec une matière plus informe que nuage (ou nuage car informe).
Le déjà-vu est remplacé par un inconnu, qui sera transformé par une présence réelle.
LES PONCIFS
Par Hubert Besacier
In Arte Factum, septembre - octobre 1991
LES PONCIFS
Par Hubert Besacier
In Arte Factum, septembre - octobre 1991