Textes
BOUM
Par Françoise Lonardoni
Présentation de la série Boum, Bibliothèque du 3e arrondissement, Lyon, 2013
BOUM
Par Françoise Lonardoni
Présentation de la série Boum, Bibliothèque du 3e arrondissement, Lyon, 2013
Texte de Marie Lapalus
Catalogue Ô saisons, ô châteaux, Musée des Ursulines, Mâcon, 1999
Texte de Marie Lapalus
Catalogue Ô saisons, ô châteaux, Musée des Ursulines, Mâcon, 1999
Le fil conducteur de la démarche de Bruno Yvonnet, depuis 1989, se situe dans la permanence de la dimension politique qui s'y affirme. Depuis Les Poncifs 1 où le texte se superpose, avec la rigidité de ses lettres en capitales, au paysage traité dans un camaïeu de gris doucement absorbés par le support de béton, jusqu'aux actuels Lares et confirment la réflexion de Bruno Yvonnet qui s'articule sur des stimuli provoqués par le quotidien. Dans cette lecture possible du réel, il faut trouver sa réponse d'artiste, de citoyen qui aspire à changer le monde. Artiste de la ville (Lyon), sa démarche passe par la création d'images où l'idée de Nature est prépondérante. Celle-ci, depuis le XVIIème siècle, sert de réceptacle aux aspirations philosophiques voire métaphysiques des poètes, des musiciens, enfin de tous les artistes. Ainsi, le peintre "moraliste" peut-il restituer les sentiments humains d'ordre divers : Sinistre forêt, Vallée de larmes, Océan de honte....
Mais c'est peut-être à Régis Durand, que l'on doit les lignes les plus pertinentes sur le rapport ambigu qu'entretiennent les peintures de Bruno Yvonnet avec l'image photographique qu'il a sélectionnée dans le quotidien le plus ordinaire du lieu (pays) où il a été invité à travailler, Slovénie, Colombie, ou Canada.... "À la fois sombre et claire, l'image du monde y est au bord de la disparition tout en gardant une étrange acuité." 2
Les tableaux de Bruno Yvonnet lui "apparaissent comme des inscriptions lacunaires dont le déchiffrement est promis, au mieux, à une certaine ambiguïté." C'est en cela qu'ils sont la "parole" qui va susciter la nôtre. Ils sont pareils en cela à la fameuse inscription qui constitue leur titre générique, Et in Arcadia Ego, et qui a fait les délices de l'exégèse iconographique. Ce n'est pas tant qu'ils incitent à la parole ou à la discussion savante, et il y a au contraire, les entourant, une qualité de silence assez remarquable, celle que produit la rencontre avec l'énigme. Mais que l'on entende (du fond de ses souvenirs de lectures) "Et moi aussi, j'ai connu l'Arcadie", ou plutôt, comme nous y invite Panofsky, "Même en Arcadie (moi, la Mort), j'existe", il y a dans ces tableaux de la gravité, quelque chose de sombre et de funèbre. La tradition élégiaque n'est sans doute pas loin, mais chez Bruno Yvonnet, elle reste en deçà de toute allégorie explicite. Les corps, les objets, ne sont pas des mémentos nostalgiques, ils n'encryptent aucun événement particulier.
Simplement, on y voit ce qui fut de l'espace et du volume devenir signe du temps, passage indécis de la mortalité. Les fragments d'images reproduits sont comme rongés de l'intérieur par une lèpre blanche (celle dans laquelle Melville voyait la marque de la Mort-dans-la-vie). Ce ne sont pas d'altières et lumineuses interrogations morales ou métaphysiques que nous sommes conviés à contempler, mais les exercices quotidiens de celui qui sait le retard impossible à combler, la mort et la dissolution en marche - date paintings, oui, en ce sens, comme une forme d'exercices spirituels." 2
Ainsi les vingt peintures de la série Plus qu'hier, moins que demain s'inscrivent-elles dans le logique prolongement de l'engagement de l'artiste dans la Cité -(Polis)-.
Inéluctablement la technique de la peinture au bitume sur placoplâtre entraînera sa propre disparition. Tout comme les peintres du XIXème siècle, et en particulier les Romantiques, Bruno Yvonnet assume la dissolution de l'image. De même que l'évolution de la photographie ne peut toujours pas assurer au spectateur du futur un statut pérenne, les Plus qu'hier, moins que demain jouent à double sens sur leur devenir. Du point de vue matériel l'artiste se complaît comme P.A. Gette dans la contemplation du processus de dégradation de l'image. Quant à l'iconographie, les "Je t'aimerai, plus qu'hier, moins que demain" se réfèrent surtout aux comptines ou dictons, inscrits avec conviction sur les assiettes populaires offertes pour les mariages, plutôt qu'à une quelconque réalité.
De vœux pieux en quête d'une maison idéale découverte par petite annonce et censée abriter un bonheur parfait, force est de constater que le couple contemporain, statistiquement, s'éloigne de cette imagerie d'Épinal.
Pourtant dans ce contexte nostalgique, Bruno Yvonnet nous conduit habilement de la douce utopie à la prise en compte de la réalité. Devant l'accumulation des peintures de maisons et celle des couples, un renversement du point de vue s'opère chez le spectateur. Les liens qu'il est lui-même amené à tisser, ou bien la force réflexive qu'ils induisent, l'obligent à relativiser une approche thématique trop frontale et à se positionner lui-même. Pour peu que ce même spectateur soit un amateur de romans policiers, il saisira au vol l'opportunité d'établir la relation avec le suspens tonique, politique et moral du radical et fondateur "Ô dingos, ô châteaux !" 3 de Jean-Patrick Manchette : lorsqu'une midinette manipulée trouve la force de courir après ses rêves d'architecture (ou d'architecte ?) et de sauver un enfant...
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— 1.
Poncifs - Résolution n°12 : « J'aimerai tous les hommes à quelque nation qu'ils appartiennent parce que je leur suis redevable d'une quantité de bienfaits que le serment de fraternité humaine sera un jour assez fort pour empêcher les hommes de s'entretuer sauvagement dans des guerres sans merci. »
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— 2.
Détails & Lares, Régis Durand, Musée des Ursulines, Mâcon, 1998
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— 3.
Ô dingos, ô châteaux !, Jean-Patrick Manchette, Gallimard, Paris, 1972
Texte de Catherine Grout
Catalogue Bruno Yvonnet 1989-1991, Les cahiers du regard, 1992
Texte de Catherine Grout
Catalogue Bruno Yvonnet 1989-1991, Les cahiers du regard, 1992
LES PONCIFS
Par Hubert Besacier
In Arte Factum, septembre - octobre 1991
LES PONCIFS
Par Hubert Besacier
In Arte Factum, septembre - octobre 1991