Un aléa ou La lèvre saigne beaucoup
La lèvre saigne beaucoup (accidents)
Série de photographies, depuis 2017
Nous habitons le premier étage, Michèle habite le quatrième étage. Je ne sais plus très bien comment ça commence, une soupe, une purée, un sac de course, un coup de main à cette vielle femme fracassée par la maladie et les opiacés. Drôle, intelligente, cultivée, insolente, seule.
D'abord Michèle nous écrit des cartes qu'elle dépose devant notre porte. Puis des bougies allumées sur le paillasson avec les cartes. Quand notre voisine de palier s’inquiète d'un possible incendie, on demande à Michèle d'arrêter. Elle passe aux bougies en plastique. Courses, téléphones, soupes, compagnie. Michèle fait partie de notre vie. On lui fait de la place. Michèle m'appelle, me demande de monter, je monte. Elle est pieds nus, il y a de l'huile partout dans l'appartement, sa bouteille a glissé. Notre accord commence ici : je nettoie son appartement à condition qu'elle me laisse prendre des photos. C'est le début des accidents. Lorsqu'à cinq heures du matin je vois partir une ambulance je sais que c'est Michèle. J'appelle les hôpitaux un à un, je la trouve rapidement. Aux urgences elle a des points de suture sur le visage et attend l'ambulance pour rentrer chez elle. Elle me donne ses clés, notre accord tient toujours. Arrivée dans l'appartement je découvre que la lèvre saigne beaucoup et que j'ignore tout de l'odeur du sang.
Ensuite, comment ne pas voir et chercher partout toutes ces blessures de nos intimités.
Un aléa ou La lèvre saigne beaucoup (accidents), 2019
Intervention dans le catalogue de l'exposition L'almanach des aléas, Fondation d'Entreprise Ricard (Ensba Lyon/Sorbonne/collectif milo)
Graphistes : Aurane Loury, Claire Marrel, Marielle Nicolas
Impression offset trichrome, reliures spirales
Format fermé : 21 x 29,7 cm, format ouvert : 84 x 29,7 cm