Textes
STATEMENT
Par Guillaume Robert, 2020
STATEMENT
Par Guillaume Robert, 2020
DANS LE MEILLEUR DES CAS
Agrégat d'un entretien donné à l'occasion de l'exposition Piano alto (Maison des arts Georges Pompidou, Cajarc, 2015)
et d'une contribution à l'Éphéméra la pelote et la trame (édition ESACM, Coopérative de recherche, 2015)
DANS LE MEILLEUR DES CAS
Agrégat d'un entretien donné à l'occasion de l'exposition Piano alto (Maison des arts Georges Pompidou, Cajarc, 2015)
et d'une contribution à l'Éphéméra la pelote et la trame (édition ESACM, Coopérative de recherche, 2015)
Dans le meilleur des cas.
Il me semble qu'avant toute rencontre avec un contexte, l'artiste est en quelque sorte dépositaire d'une vision, c'est-à-dire qu'il cherche à partager une expérience, un décollement par rapport à notre habituel fonctionnement d'usager du monde. Jetons notre dévolu sur tel contexte, ou tel dispositif — parfois un contexte est, d'entrée de jeu, un dispositif, l'Arcadie par exemple est a priori un dispositif, c'est un mythe, une idée, une articulation —, là, nous pointons un potentiel : ce contexte est en puissance capable de devenir le support de l'expérience : il est la possibilité du voyage, du poème, la possibilité du déplacement du regard, de l'émergence du déjà-vu (1) également, il peut modéliser un monde : donner à vivre un présent tout en se montrant comme représentation, il est chargé. Jetons notre dévolu sur tel contexte, ou tel dispositif, nous y reconnaissons les prémisses, la confluence des ingrédients. Il y a un temps alors où nous nous faisons chercheur, amassons des données (littéraires, iconographiques, de terrain, constituer sa pelote, poser une trame) qui vont venir confirmer l'intuition première, vont fluer vers la constitution de l'expérience, vont devenir motif, rythmique — amer, acide, sucré, salé ; umami. Il y a un temps ensuite pour devenir catalyseur. Nous ne nous jetons plus nous-même, seuls, nous jetons l'autre avec nous, vers le dispositif, dans le processus. Souvent j'écris pour l'autre (artistes, civils), je veux dire c'est la rencontre avec un autre qui provoque ou conduit le raffinement de l'écriture, que cela lui corresponde, qu'il puisse s'y déployer parce que le contexte, le dispositif est envisagé pour qu'il s'y accorde, qu'il y coïncide.
Et puis il y a le temps de la mise en forme. Un temps où nous avons les cartes en mains. Nous n'en aurons pas d'autres, et déjà nous en avons trop. Quelles cartes abandonner ? Quelles cartes jouer ? C'est le devenir spectateur du travail. Je cherche un état, je suis le récepteur et je cherche un état. Idéalement cet état a déjà été goûté, touché, in vivo, au cours du déploiement du processus de création, sur le terrain, un quelque chose de l'utopie ou du renouvellement de l'entendement et des sens, immergé à loisir, est venu se sédimenter. Suivons le. Rejouons le.
(1) Déjà-vu
Le patrimoine nous est légué, il est notre maison commune. Et cette maison nous habite, elle nous constitue. Cette maison est fondée sur des archétypes, sur les modèles primitifs de ce qui vient faire image, paysage, fiction, texte, objet, musique, politique..., sur les modèles primitifs de ce qui vient faire représentation, de ce qui vient nous mettre à distance de la présence en nous mettant au monde.
Laissons nous aller à extraire de cet espace commun des matières premières. Laissons nous aller à faire notre ces matériaux, prolongeons-les, confrontons-les, faisons-les basculer par des opérations de traductions, d'agencements, de reenactments, de fictionalisations... Mais tout cela, faisons-le sans trop de recette, laissons surgir les ingrédients, qu'ils nous échappent. Qu'ils excèdent le plan de travail, qu'ils forgent du en-train-de-se-faire, du présent continu. Peut apparaitre alors du déjà-vu, émergeant dans sa fragilité, retranché de tout jeu référentiel, de toute intentionnalité. La référence se connait, le déjà-vu se découvre, la référence connecte quand le déjà-vu entretient une force de vacillement, de trouble, une puissance épidermique, reptilienne : le déjà-vu, un chat, surgit depuis la table rase (2), que vois-tu ?
Alors nous prendrons soin de préserver une part d'écriture automatique, processuelle. Le processus est un scénario en acte et en mouvement, il demeure ouvert au pilotage à vue, à la saisie de l'occasion. Il édicte souplement les règles d'activation du dispositif. Le processus est une chaîne causale dont on ne peut prédire la fin, une chaine causale que nous ne chercherons pas à reconduire, incapable d'en retracer, même a posteriori, la généalogie. Cette souplesse nait depuis la quête, toujours en cours, d'un accord avec ce que le contexte recèle d'irréductiblement réel, de non-idéal, d'indomptable. Il nous faut prendre soin de conserver intact une part de mégarde.
(2) Table rase
Pour témoigner du fait anthropique, nous ferons place nette. Nous tâcherons d'inscrire le fait anthropique au sein d'une tension, qu'il se détache, se dégage depuis un fond non-humain, que nous puissions le voir en train d'émerger depuis le fond.
Nous laisserons alors la figure humaine s'activer sur le décor. Nous la laisserons dire des mots, marcher, travailler, élaborer des théories, se baigner, se battre, voir. Nous la montrerons active mais la dépouillerons de psychologie, de causalité, nous nous en tiendrons à une proto-narration, nous réduirons l'intrigue à une rythmique. Nous préférerons la figure découvrant l'espace et la durée, étrangère, nous ne voulons pas la figure prise dans la résolution, tendue vers une fin. La résolution impose l'à-venir, néglige le présent, réduit le présent au rang de faire-valoir, de promesse, constamment reconduisant le rendez-vous. Nous chercherons à chaque instant à trouver rendez-vous.
AVEC PAR ORDRE D'APPARITION
Par Guillaume Robert
In Expedition, European platform for artistic exchange, Les Laboratoires d'Aubervilliers, 2009
AVEC PAR ORDRE D'APPARITION
Par Guillaume Robert
In Expedition, European platform for artistic exchange, Les Laboratoires d'Aubervilliers, 2009