Textes
L'Infinie liberté du dessin
Par Anne Giffon-Selle
In Solitude et multitudes, catalogue d'exposition à la Galerie Michel Descours, Lyon, 2019
L'Infinie liberté du dessin
Par Anne Giffon-Selle
In Solitude et multitudes, catalogue d'exposition à la Galerie Michel Descours, Lyon, 2019
L'insoutenable légèreté du dessin
Entretien avec Philippe Piguet
In Art Absolument n°45, janvier-février 2012
L'insoutenable légèreté du dessin
Entretien avec Philippe Piguet
In Art Absolument n°45, janvier-février 2012
L'aventure d'être en vie
Par Malek Abbou
In Dream-Drame, Éditions Fage, 2007 (extrait)
L'aventure d'être en vie
Par Malek Abbou
In Dream-Drame, Éditions Fage, 2007 (extrait)
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« Maintenant le miroir est brisé, il est temps que les morceaux se mettent à réfléchir »
Ingmar Bergman, L'Heure du loup.
« Je ne crois pas indispensable de chercher pour trouver. » Eric Dolphy
Manie compulsionnelle ? Décongestion intérieure ? Distorsions douloureuses d'un imaginaire dévoyé ? Esprit de régression rageuse ? Non. Rien qu'un gigantesque appétit de formes né de ce que le poète Henri Michaux appelait l'aventure d'être en vie. En cela, les dessins de Christian Lhopital ne cessent d'étourdir, d'assommer, de fasciner. Ce champ magnétique instable dans lequel des formes prolifèrent, se redoublent, oscillent ou vibrent comme des diapasons, ne laisse ni l'œil ni la langue tranquilles.
Longtemps, le dessin a semblé un divertissement d'ilotes à nos contemporains, au mieux une forme ahurissante de courage. Le dessin, Christian Lhopital s'y emploie avec constance depuis 1976. À l'époque, stylo-bille et feuilles de cahier en main, il creuse sans le savoir le sillon d'un Sigmar Polke, élargissant le tour de ses dérélictions formelles.
Mais contrairement à Polke, Lhopital, pour nourrir sa discipline n'a aucun besoin de mort aux rats ou de crème dépilatoire. Le toxique de sa substance passe par l'affolement du regard. Un regard qui cherche où se placer dans cet espace aux horizons indistincts, structuré en trois niveaux de lecture sur la feuille.
Trois étages, trois paliers de regards. Cette hiérarchie scalaire me renvoie loin dans l'histoire. Je l'associe spontanément aux vases funéraires grecs ; à leurs compositions épiques disposées en registres superposés ainsi qu'on pratiquait la chose cinq siècles avant notre ère, à Milet, à Chios ou à Rhodes.
Pour Lhopital, le Grec serait plutôt l'erreur. La règle et le compas, la section d'or et les diagonales de cette clarté attique qui veulent restituer le monde en perspective n'ont aucune place dans sa pratique. Son étagement de plans n'a aucun rapport avec son précédent antique, mais il est indéniable que cette disposition graphique astreint l'œil à la mobilité, qu'elle sollicite son pouvoir de circulation, de franchissement et d'interférence. Elle pousse la rétine à tracer son chemin dans l'intervalle de scènes mouvantes qui ne représentent aucun lieu identifiable. Dans les séries de Lhopital, l'œil ne trouve ni lieu, ni rencontre fixés revenant à l'identique selon un rythme régulier pour fonder quelque chose comme une place reconnue. [...]
***
[...] Quel statut conférer à l'image lhopitalienne ? Son trait prend parfois l'éclat d'un rêve d'opium et il tomberait sous le sens d'évoquer à son endroit la violence d'expériences intérieures venues réveiller les ultimes demeures de la psyché.
Images imaginaires, images inimaginables, ces représentations qui ne semblent pas pouvoir s'objectiver dans le réel ? Pourtant, le dessin chez Lhopital est aussi une entreprise spéculaire qui prend l'allure d'un transfert de la réalité au plus direct.
Dans son champ de vision, une forme devient subitement sensation et Lhopital multiplie sur elle ses prises de vue. Parce qu'un groupe d'adolescents dans une gare lui rappelle subitement un Caravage ; parce qu'une posture inédite redessine un enfant affairé à maintenir en place une poussette dans un bus en circulation, une machinerie mentale photo-optique se met en place. Dans l'inépuisable flux des lieux de passage, Lhopital épingle le réel, ces mouvements bruts de vie dérisoires ou éloquents qui éclaboussent puis s'immiscent en associations libres entre l'œil et la matière.
L'image fantasmatique de Lhopital est induite. Elle nous vient d'une expérience visuelle immédiate. Elle ne nous invite pas à délirer, mais à percevoir. Au reste, il n'est pas impossible que certaines de ces images circulent réellement dans le corps social. C'est même probable. Certains monstres tracés par l'artiste n'ont pas de fermeture-Eclair dans le dos, preuve qu'ils sont bien réels, qu'ils tapissent quelque part l'inconscient optique du monde, et que la distinction sans relâche que nous maintenons entre réalité et imaginaire ne suffit pas toujours à les rendre invisibles.
Lhopital donc, tire à soi des images qui redoublent ou ne redoublent pas les apparences sensibles auxquelles elles ont été arrachées. Condensées sur une pointe d'épingle, elles produisent la commotion qui les fera surgir mutantes sur la feuille. Des mutantes issues d'un registre d'expérience où les notions d'intérieur et d'extérieur sont déposées au profit d'une perception du réel bien plus enveloppante. Des mutantes qui possèdent leur propre mode de fonctionnement à travers les relations formelles ou symboliques qu'elles entretiennent entre elles. [...]
Et tout le tremblement
Par Céline Mélissent
Centre Régional d'Art Contemporain de Sète, 2004
Et tout le tremblement
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Centre Régional d'Art Contemporain de Sète, 2004
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