Art Gallery
Art Gallery
Par Mickaël Roy, 2014
Dans sa pratique artistique, Benedetto Bufalino agit par transformations d'objets et d'espaces et, ce faisant, par inventions de nouveaux usages qui s'écartent du sens commun tout en utilisant des mimétismes et pastiches de la réalité et de ses fonctionnalités, là où l'espace public lui en offre la possibilité - dans les rues et sur les places, dans les parcs et jardins, et plus récemment dans les repères de la vie contemporaine.
En écho au thème de la 13e Biennale d'art contemporain de Lyon intitulée « La vie moderne », Benedetto Bufalino s'empare de l'un des symboles de la modernité artistique, la galerie d'art, en le déplaçant dans l'espace de la ville, autre symbole de la modernité sociale. Dans cette perspective transgressive, il organise ainsi une exposition en inversant la méthode habituelle selon laquelle l'artiste importe des œuvres dans un espace nommé galerie, musée ou centre d'art. Ici, avec Art Gallery, l'artiste s'emploie en effet à subvertir le mécanisme institutionnel en s'attelant à l'autorité de ce lieu de monstration de l'art, non pas à des œuvres ad hoc mais à un artefact inscrit dans le tissu urbain, choisi autant pour sa qualité que pour sa banalité formelle et cependant ainsi érigé en objet d'intérêt potentiellement artistique.
Ce faisant, ce geste dont la portée critique vise délibérément la fonction du « white cube », dont l'idéologie a été mise à jour par Brian O'Doherty entre 1976 et 2007, par un déplacement incongru par lequel la pureté immaculée du lieu d'art vient se frotter aux hiatus de la ville chahutée par les institutions, les cadres d'exposition, les esthétiques et les formes qui ont été validées ou invalidées par l'histoire de l'art moderne et contemporain au cours du siècle écoulé.
Ce débat propre au monde de l'art et à ses paradigmes, en tant qu'il s'agit de modèles de pensée et d'action inconscients et sous-jacents aux pratiques communément admises par les acteurs de l'art, vient ainsi, par l'intermédiaire de cette galerie faussement réelle, éclore au cœur de l'agora publique avec une volonté de partage démocratique : derrière et devant les cimaises blanches de l'unité et de l'homogénéité du discours et du récit de l'art, il sera ici question, pour les visiteurs informés ou les spectateurs fortuits, de s'interroger avec force ironie, sur les pouvoirs qui conditionnent la liberté de diffusion et de réception d'un geste artistique, compte-tenu des normes esthétiques qui balisent un champ de création parfois meurtri par les académismes contemporains que le « white cube », en ses premières tentatives modernes, avait précisément permis de déjouer.
Mais loin d'acter toute impossibilité à ne pas se conformer aux cadres de l'art contemporain, Benedetto Bufalino ajoute ici un élément de discussion au corpus de formes d'une période contemporaine de l'art où la création sait précisément jouer du langage de l'emprunt et de la citation afin de digérer les codes de son histoire.