Bruno Carbonnet
Bruno Carbonnet, Christophe Cuzin
Par Caroline Smulders
In Art Press n°272, 2001
Pour sa première saison estivale, la nouvelle conservatrice du Carré d'Art de Nîmes, Françoise Cohen, a joué d'audace pour inaugurer sa politique d'expositions. Le musée s'était targué jusqu'à présent des plus prestigieuses signatures internationales de l'art contemporain ; oser mettre en avant un dialogue entre deux artistes français qui ne jouissent pas des feux de la rampe n'en était que plus surprenant. Quels sont les enjeux de ce dialogue entre un peintre du sujet, Bruno Carbonnet, et un peintre de l'objet, Christophe Cuzin ?
Avant même l'entrée dans les salles, Cuzin suggérait au spectateur des bribes de ce qu'il allait découvrir dans chacune d'entre elles. Une série de fenêtres percées dans les deux longs murs intérieurs du musée évoquait des trouées de couleurs et invitait ici à regarder d'une salle vers la suivante et là, reflétait l'abîme de l'une des toiles de Bruno Carbonnet. Quelle belle idée de la part de Cuzin d'avoir offert à la conservatrice la possibilité de percer l'âme même de son nouveau musée. Quelle gageure aussi d'avoir su convaincre l'équipe technique de pénétrer radicalement dans la structure, immuable jusqu'alors, du lieu. Et c'est bien sûr là que commence le charme incontestable du projet, dans la sûreté du geste qui a animé les artistes : tout ici se passe dans un savant équilibre entre le raffinement des couleurs choisies pour ces percées et ce qu'elles évoquent au sein même des œuvres de Carbonnet. Chez ce dernier, les différentes séries de toiles scandent avec des rythmiques différentes chacune des salles.
Les deux artistes ne se connaissaient pas. Grâce à un dialogue construit sur le respect mutuel et le travail minutieux dans le lieu à investir, sans rien laisser au hasard (le catalogue aussi, comme reflet de l'exposition), cette première exposition semble très prometteuse d'un nouvel élan pour le Carré d'Art. Le souvenir d'une telle exposition : un moment de grâce. Modestie mêlée de rigueur de la part des deux intervenants.
On n'oubliera pas l'une des salles réalisées par Christophe Cuzin : simplement mise sous tension par un vinyle peint en jaune vif, suspendu au plafond, irradiant de lumière tout autour du visiteur qui n'avait plus à saisir que la pure énergie d'une couleur primaire. Et puis cette surprenante série de ciels de Bruno Carbonnet. Mise à l'épreuve de la touche, de la matière, du plus petit au plus grand format. Le ciel comme métamorphose d'une partie de vie, comme suggestion qu'en peinture tout reste encore à dévoiler.