Lorsque l'été lorsque la nuit
Lorsque l'été lorsque la nuit (Jean Tardieu), 2014
Dessins au fusain, 3 dessins animés projetés, taxidermies (renards), dimensions variables
Vues de l'exposition Lorsque l'été lorsque la nuit, CAIRN Centre d'art, Digne-les-Bains
Extrait du texte de présentation de l'exposition, Bertrand Riou, 2014
"La proposition de Delphine Gigoux-Martin pour le centre d'art du CAIRN est protéiforme à bien des égards. L'artiste immisce au sein de l'espace d'exposition un ensemble qui est à la fois réel et imaginaire. De grands dessins au fusain de forêts se déploient sur la totalité des murs, entourant ainsi le spectateur mais également une trilogie de renards taxidermisés. Ces trois renards au centre de l'exposition rêvent et regardent la danse qui se joue devant eux. Celle d'animaux marins mystérieux se mouvant par le biais de vidéos-projections sur les « parois » du CAIRN. Ici se crée quelque chose de propre à la mythologie personnelle de l'artiste : une grottification de l'espace concret dans lequel le public se trouve. Ce mélange de forêts et d'animaux flottant rappelle la mer géologique qui se situait jadis sur le territoire montagneux du Pays Dignois. Les formes se confondent, se jouxtent, s'élèvent et s'effondrent."
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Nous sommes alors dans une lecture verticale : le récit démarre vers le bas (avec l'homme, les animaux, la nature végétale environnante) et s'élance vers le haut : le ciel, l'univers et ses constellations. D'emblée, un va-et-vient se crée. Dans le second espace du CAIRN sont présentés deux grands dessins représentant dans l'un un renard bicéphale traversé par la constellation du Lynx et dans l'autre un renard se battant contre la constellation du Toucan, iconographie rappelant les scènes de chasse de l'Histoire de l'Art ; et enfin une importante série de photographies documentaires dans lesquelles l'artiste rajoute une fiction. Ce qui intéresse Delphine Gigoux-Martin dans ces photos sont les situations où elle peut projeter une autre histoire. Elle réalise des dessins d'animaux fantasmagoriques ou inspirés de l'art pariétal, des sorciers de la préhistoire, des licornes, des serpents... Delphine Gigoux-Martin dit – en parlant de ses artefacts – que ce sont de « drôles de dess(e)ins entre rêve et magie, retour de l'empreinte des océans sur la montagne, géographie retrouvée d'un membre fantôme... ». L'ombre est également primordiale dans ce monde qu'elle nous propose. Elle rappelle la trace de l'homme, de l'animal, de la nuit et de la mort. Une mort tangible, comme celle suggérée par l'animal naturalisé, en l'occurrence ici le renard, figure tutélaire de l'exposition. Ce voyage sensible que nous offre Delphine Gigoux-Martin se réserve ainsi le droit de nous placer dans un entre-deux, une infra mince entre la réalité et l'univers des songes. Une dualité ambivalente se traduisant par la violence de la vie et le calme de la mort. Lorsque l'été lorsque la nuit se déploie au-delà d'un ultime souffle...
les étoiles plongent aux fondes des mers
s'accrochent aux branches des arbres et clignotent faiblement
je vois, avec les yeux fermés du grand sommeil,
les fantômes et les strates du passé ressurgir.
Les arbres deviennent des coraux,
les méduses des vaisseaux spatiaux,
la nuit coule sur la montagne,
la forêt pleure des océans
et laissent au bord du paysage
bêtes et hommes solitaires contempler l'échappée d'un univers noir.
L'entre deux mondes se glisse sous mes paupières éclaire, ma pensée la plus sûre.
Delphine Gigoux-Martin