Frédéric Houvert et le baroque
Frédéric Houvert et le baroque
Par Philippe Perrin Pique
Pour l'exposition à la Black Box du centre d'art Le Manoir, Mouthier-Haute-Pierre, 2018
Houvert a au moins un point commun avec Soulages, il fait naitre la lumière du noir mais chez Soulages, on est dans les rayures alors que chez Houvert, on est dans les taches réalisées au pochoir et les dites taches se laissent regarder comme des plantes qui dévoilent peu à peu leur intériorité.
Il est très difficile de montrer en photo ces peintures car elles apparaissent comme des monochromes noirs alors que leur vue réelle révèle une multitude de tableaux dans le tableau et une vie intérieure intense comme si on pénétrait dans une chapelle baroque de marbre noir où la lumière n'arriverait que par des ouvertures imperceptibles.
Souvent je me plais à décrocher un tableau de Frédéric Houvert et à le montrer au visiteur sous un autre angle lumineux que celui ou il était accroché. Il s'opère alors des transformations venues du fond de la peinture. Exemple avec la peinture dénommée Anthurium Corinthe. D'abord, après une période d'acclimatation, on perçoit que la teinte dominante n'est pas noire mais d'un bleu presque noir et l'on comprend que l'artiste dévoile sa teinte plus qu'il ne la montre et progressivement selon la position du tableau dans la lumière se révèlent des traces, des coulures et d'autres couleurs plus claires qui lorsqu'on a pu les déceler, irriguent l'ensemble.
Sous le prétexte figuratif de référents végétaux, Frédéric Houvert nous plonge dans un magma qui tire d'un sombre fond des perceptions claires et mouvantes.
Entre chaos et osmose, on suit alors le cheminement des coulures sans jamais voir la même chose selon la manière dont la lumière pénètre dans la galerie où selon le lieu d'où l'on regarde la peinture.
Plus que poétique, il y a un côté magique dans cette peinture qui épouse les plis de l'âme ou plus exactement la logique du vivant.
On est très proche du baroque tel que l'a défini Gilles Deleuze dans son ouvrage LE PLI. Leibnitz et le baroque.
Les perspectives s'ouvrent et empruntent des lignes de fuite selon le rapport incertain de la luminosité à la forme au lieu de s'organiser selon le centre présupposé d'une figure.
Il ne s'agit pas cependant chez Houvert de découvrir une intériorité qui se déploierait pli à pli. Il s'agit plutôt de suivre les coulures dans les interstices imprévus qu'elles empruntent.
À voir absolument en vrai car, encore une fois, les photographies de peintures, tuent la peinture et ce particulièrement chez Frédéric Houvert.
La comparaison du départ de cette chronique avec Soulages peut paraître quelque peu prétentieuse. Elle ne l'est pas : Houvert est un grand et l'histoire de l'art le rattrapera.