Les ramifications de Frédéric Houvert
Les ramifications de Frédéric Houvert
Par Jean-Emmanuel Denave, Le Petit Bulletin, 2017
À l'occasion de l'exposition Les Tournesols, Néon, Lyon
Avant d'être étudiant aux Beaux-Arts, Frédéric Houvert (né en 1980 à Toulon, installé aujourd'hui à Lyon) a fait une école d'horticulture. Cela n'explique rien, mais l'artiste (peintre, sculpteur, photographe) en a sans doute conservé un goût prononcé pour le motif floral et pour l'univers végétal en général. Il a notamment composé de nombreuses toiles représentant des fleurs, quasi monochromes, dans des nuances de tons très fines, où le motif paraît comme s'effacer, ou "affleurer" à peine. Comme par discrétion, ou comme une continuation possible de l'idée de modernité, lancée, entre autres, par Mallarmé :
« Je dis : une fleur ! Et, hors de l'oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d'autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tous les bouquets. »
L'absolu moderniste, cherché dans le langage replié sur lui-même ou dans l'abstraction monochrome, s'ouvre à nouveau avec Frédéric Houvert sur quelques formes évanescentes, se propose à de nouvelles boutures, ou encore dérive en aval de l'influence d'un Matisse et de l'ornementation.
Cette ouverture et ces greffes caractérisent l'œuvre de Frédéric Houvert, mais aussi l'exposition qu'il a conçue concrètement à Néon. Il y a invité trois peintres, Daniel Mato, Fabio Viscogliosi et Laurent Proux, dont il a choisi pour chacun deux petites toiles, présentées sur fond de trois jaunes muraux différents. Frédéric Houvert lui-même n'expose qu'une petite toile florale aux tons blancs et oscillant entre présence et absence.
L'ensemble de l'exposition est particulièrement sobre, pensé comme une collection minimaliste et intimiste, et flirte tour à tour avec l'ornemental, le décoratif, l'abstraction. On y ressent et on y perçoit une "gestuelle" de la discrétion, de l'effacement... L'artiste s'efface au profit des autres, et surtout au profit de la vie autonome des formes et des couleurs. Ces dernières pouvant s'effacer à leur tour au profit d'une ambiance, d'une sensation générale et diffuse...
Les plantes, écrit le jeune philosophe Emanuele Coccia (dans son récent ouvrage : La vie des plantes : une métaphysique du mélange) : « n'ont pas de mains pour manier le monde », mais ce sont pourtant les « agents les plus habiles dans la construction des formes qui ont ouvert à la vie le monde des formes » et fait du monde le « lieu de la figuration infinie ».