Jonas Delaborde
Updated — 26/07/2022

Texte de présentation du projet

Texte de présentation du projet
Par Franck Balland

Depuis presque dix ans, le travail de Jonas Delaborde (né en 1981 aux Lilas) se déploie sur différents médiums, allant du dessin à la sculpture, de la photographie à l'édition. Le dénominateur commun à l'ensemble de cette production réside dans une mise en relation complexe d'éléments hétérogènes, appartenant autant à des champs culturels érudits qu'à une imagerie héritée des milieux alternatifs.

Avant d'aller plus loin dans la présentation de l'installation à Tlön, il semble à ce stade important de préciser la nature de la proposition qui nous a été faite – laquelle ne constitue pas, à proprement parlé, une exposition. Dans sa forme la plus fréquente Clovis Carnival Conspiracy, act 1 s'apparente à un environnement de différents types d'objets, pour la majorité usuels, agencés à la manière d'une arrière-cour. Cet espace laissé vacant devient, plus exceptionnellement, un lieu de tournage ; les costumes accrochés au mur sont enfilés par les acteurs et les éléments autour d'eux deviennent le décor d'un film de science-fiction réalisé devant un fond vert.

Ce projet trouve sa genèse à Rio de Janeiro, où Jonas Delaborde était en résidence lors de l'été 2013, puis pendant l'hiver 2014. C'est sur cette dernière période qu'il assista au Bate Bola, le carnaval des quartiers populaires où s'affrontent, le temps de défilés assourdissants (littéralement, Bate Bola signifie « taper la balle », en référence au grondement des balles projetées au sol), les membres de gangs opposés vêtues de costumes de clowns aussi encombrants qu'exubérants. Les premières images du film, ainsi que les costumes, masques et autres objets évocateurs du contexte carioca qui occupent l'espace de Tlön (cerfs-volants, bouteille de cachaça...), sont issus de ce voyage.

Dans la vitrine, les éléments rapportés du Brésil côtoient les œuvres produites par l'artiste à son retour, juxtaposant ainsi deux formes de productions muées par un élan d'appropriation relativement similaire. D'un côté, les objets du carnaval, saturés de couleurs vives et de symboles hétéroclites, édifiant une bouffonnerie futuriste à la fois populaire et iconoclaste. De l'autre, à l'image de cette tour construite à partir d'une dalle dont le motif parcourt les murs de la Ennis House (villa dessinée par Frank Lloyd Wright qui servit notamment de décor au film Blade Runner), sont visibles les éléments caractéristiques d'une forme d'aplanissement culturel qui traverse le travail de Jonas Delaborde.

Malgré ses origines fragmentées, l'ensemble compose un paysage temporairement stabilisé mais en attente, comme le suggère le titre du projet, des protagonistes absents. Ces clowns conspirateurs qui auront sans doute à cœur d'en renverser l'équilibre, comme on bouleverse l'ordre du monde, dans un grand éclat de rire moqueur.

F.B.