Chassez le naturel..., Villa Bernasconi, Lancy, 2009
Exposition à la Villa Bernasconi, Lancy, Canton de Genève
Photos : © Dylan Perrenoud
● Texte de Françoise Mamie, 2009
Publié dans le catalogue de l'exposition Chassez le naturel..., Ville de Lancy, 2009
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Du premier étage jusqu'au grenier, l'artiste japonaise Keiko Machida dessine et peint les arbres dans la ville. Elle recompose les espaces, confronte les barres uniformes des habitations japonaises aux couleurs acides, avec le rythme des troncs durs et sombres. Son matériau de départ est issu d'une patiente compilation de traces et d'images, dans une quête sensible et assidue : "C'est un moment incertain. On ne sait plus si c'est un point de départ ou d'arrêt. Il y a quelque chose qui s'est passé ou qui va se passer. Mon travail vibre à la frontière du temps et de l'espace pour faire apparaître la transition de la mémoire. Autour d'un lieu, je mémorise des éléments physiques comme l'odeur, le toucher et la lumière. Puis je les consigne en les réactivant avec des objets qui leur sont liés. Des couches de fragments se mélangent, se rencontrent et se complètent. La disposition déstructure pour reconstruire une forme de narration, à la fois plus rigide et plus poétique. Depuis six ans, chaque fois que je rentre au Japon, ce qui me frappe toujours c'est le décalage entre ici où je vis et là-bas où j'ai vécu. De ce transit, je garde des images telles que les bouleaux, un mélange de vécu oublié et de sujets capturés devenus vrais souvenirs."
Tendu entre agencements dérangeants et douceur du trait, le travail oscille de la critique sociale à l'humour, sans qu'on ne puisse jamais savoir lequel des deux prend le pas sur l'autre. Les peintures sont parfois habitées d'êtres humains et d'animaux dont les formes semblent se vider et couler sur le sol, laissant échapper leur force vitale. L'intensité émotionnelle complexe que dégagent les compositions déstabilise. Elle fait apparaître le monde animal et celui des humains dans une relation de cohabitation parallèle chargée d'incompréhension, tandis que les arbres dégarnis semblent morts. L'impression de vide, parfois d'artifice, vibre pourtant de sensibilité, et les couleurs chatoyantes, douces ou acides, exercent une réelle séduction.