Luce Moreau
Updated — 07/05/2025

Texts

Statement

Luce Moreau, 2025

Texte de Paul Ardenne

In Âmes vertes. Quand l’art affronte l’anthropocène, catalogue de l'exposition, Friche la Belle de Mai, Marseille,
Co-production Fondation Groupe EDF, 2025

Luce Moreau, plasticienne, se passionne pour le vivant et les relations à même d’être tissées avec celui-ci. « Mes recherches artistiques s’orientent vers les relations inter-espèces, précise-t-elle, vers l’anthropocentrisme et ses conséquences sur l’équilibre des différents cosmos terriens ». Il résulte de cette attention particulière aux espèces animales et végétales un corpus d’œuvres varié, des sculptures, des installations, des photographies, des performances… fédéré par l’artiste sous le label de « nature ordonnée ». Qu’entendre par cette formule ? « Par opposition à l’incontestable "ordre naturel" des choses, le concept de "nature ordonnée" interroge la relation entre la société humaine et les autres organisations animales, l’ascendance de l’une sur les autres, mais aussi l’interpénétration de leurs systèmes et comportements », dit Luce Moreau, qui ajoute : « Notre dessein commun est la survie, l’adaptation à un monde de plus en plus hostile à la vie plurielle, et par là même, à notre coévolution ». Une réalisation vidéo signifiante de l’artiste, Perspectives, donne de cet intérêt pour la coévolution une illustration concrète, fort incarnée.
Cette œuvre propose un regard sur diverses formes de vie peuplant les alentours d’un refuge de montagne où s’est installée l’artiste, avec lesquelles cette dernière s’entretient en recourant à un protocole de communication proche de la méditation. Luce Moreau y parle à une plante, à des minéraux, à ce qui reste d’un glacier, tout en s’interrogeant sur le devenir actuel de la biodiversité, particulièrement fragile. Monologue ou dialogue ? La nature que l’humain respecte de façon sacrale répond-elle à l’humain ?

Cette notion d’échange avec le vivant prend tout son sens à travers les différentes pièces exposées par Luce Moreau dans « Âmes vertes », en rapport, celles-là, avec l’activité des abeilles. En 2016, Luce Moreau est accueillie en résidence artistique au sein de l’entreprise suisse de mécatronique MIND, engagée dans la sauvegarde des abeilles, au titre d’un programme art-science (Bees & Nano-technologies).
Du travail au long cours mené lors de cette résidence, naîtront différentes réalisations pensées avec des ingénieurs, Hervé Mugnier notamment, dont la création d’une imprimante 3D utilisant la cire d’abeille, ainsi que des sculptures faites par les abeilles, à l’incitation de l’artiste. Non sur n’importe quelle base.

Mettant à profit le potentiel d’organisation propre aux abeilles (la conception spécifique de la ruche), Luce Moreau confronte celui-ci à différents systèmes d’organisation humains s’étant voulu parfaits (celui, utopiste, du Familistère de Guise, par exemple). De quelle façon ? En faisant travailler les insectes producteurs de cire sur la base de plans ou de maquettes inspirés de ces modèles humains.
Il en résulte une sculpture stricto sensu animale, des environnements singuliers mettant en concurrence insectes et humains, et voyant posée cette question sous-jacente : comment, humain, non-humain, se lier ? Comment envisager un monde commun ?

Pau, sous le Soleil exactement

Article de Marie Lechner
Publié dans le journal Libération, 2013 (extrait)