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Statement
Par Marc Desgrandchamps, 2024
Statement
Par Marc Desgrandchamps, 2024
Cela fait une quarantaine d’années que je peins. Sur cette période mes peintures ont traversé différents avatars, différents états de matière, allant du solide constructiviste au fragile délité. C’est arrivé sur le temps long, lentement, avec parfois quelques à-coups, dans le cadre d’un travail quotidien.
Pour définir mes tableaux, on dit souvent qu’ils sont figuratifs, c’est-à-dire qu’ils représentent la réalité extérieure. C’est vrai car je m’inspire de choses vues. C’est faux car cette réalité restituée en peinture se plie aux contraintes du médium appliqué sur une toile, surface plane limitée dans l’espace.
Les motifs importent moins que la matière picturale qui les constitue. Les compositions sont structurées de manière géométrique, avec des lignes récurrentes d’un tableau à l’autre, horizontales, verticales, diagonales. La ligne d’horizon vient scinder la surface entre deux plans, ceux du ciel et du sol.
Je travaille d’après des photos que je prends ou que je récupère sur internet et dans la presse. Cependant, la majeure partie de mes toiles est issue de photos personnelles. La photo me permet de retenir et garder en vision un état transitoire de la réalité, un état stimulant au moment où j’appuie sur le déclencheur. Souvent plusieurs images sont à l’origine d’une peinture. Quand je travaille, je les regarde sans les regarder, de manière flottante. Elles sont là comme sources mais ce qui survient sur la toile ne les concerne plus vraiment.
En premier, je peins un fond que l’on peut qualifier d’abstrait avec une séparation horizontale entre deux plans, cette ligne d’horizon que j’ai précédemment mentionnée. Puis j’essaye d’élaborer un site, un lieu, souvent construit à partir de paysages vus et traversés autrefois ou plus récemment. Par exemple, j’aime bien les sites archéologiques vus sous le soleil, très beaux et très déceptifs car cassés et ruinés par le temps, ils sont perceptibles à l’état de fragments, fragments de mur ou statue. Cela incarne l’idée d’une vision fragmentée et elliptique du monde, vision essentielle à mes tableaux par ce qu’elle implique le négatif de toute présence, c’est-à-dire le manque et l’absence. Quand le site existe sur la toile, soit je le laisse tel quel et il demeure paysager, soit je représente des figures qui l’occupent ou le traversent.
J’ai été impressionné par certains films des années dix-neuf cent cinquante et soixante et la façon dont les lieux interagissent avec les personnages, je pense à « la Prisonnière du désert » de John Ford ou à « l’Avventura » de Michelangelo Antonioni. Le désert a la même horizontalité que la mer et les mesas de Monument Valley se détachent sur le ciel comme les reliefs rocheux des îles Éoliennes. Pour chacun de ces films, il est question d’une disparition résolue ou non.
Mes tableaux sont en partie traversés par cette thématique de la disparition et de la vulnérabilité. Les corps y sont à la fois charpentés et translucides, constitués par une matière fine, pelliculaire, à un moment on pouvait même supposer qu’ils allaient s’évaporer, seule la trace des sandales à leurs pieds témoignait de leur présence quasi imperceptible.
Aujourd’hui les formes se sont stabilisées, elles sont visibles de façon moins malaisée, même s’il y a toujours à la surface des éléments qui viennent gêner la perception et faire obstacle entre le spectateur et la scène. Cela matérialise les difficultés d’appréhension du monde où nous sommes jetés. Ces tableaux ne s’identifient pas à un regard surplombant le réel, au contraire il s’agit d’un regard parcellaire et noyé dans la multiplicité du visible.
Certains éléments s’affirment en présence, par exemple la carrosserie rouge d’une voiture, alors que d’autres sont plus indéterminés, un peu comme dans ces rêves où une réalité parallèle s’anéantit au fur et à mesure qu’elle surgit.
Recoller les morceaux
Par Danièle Cohn, 2023
Silhouettes, catalogue de l'exposition monographique au Musée des Beaux-Arts de Dijon et au [mac] musée d'art contemporain de Marseille, 2023
Recoller les morceaux
Par Danièle Cohn, 2023
Silhouettes, catalogue de l'exposition monographique au Musée des Beaux-Arts de Dijon et au [mac] musée d'art contemporain de Marseille, 2023
Entretien avec Caroline Joubert
Catalogue de l'exposition monographique au Musée des Beaux-arts de Caen, 2017
Entretien avec Caroline Joubert
Catalogue de l'exposition monographique au Musée des Beaux-arts de Caen, 2017
Marc Desgrandchamps. Les formes du temps.
Par Erik Verhagen
Catalogue de l'exposition monographique à la Fondation Claudine et Jean-Marc Salomon, Château d'Arenthon, Alex, 2013
Marc Desgrandchamps. Les formes du temps.
Par Erik Verhagen
Catalogue de l'exposition monographique à la Fondation Claudine et Jean-Marc Salomon, Château d'Arenthon, Alex, 2013