Les requins nagent à reculons, 2017
Les requins nagent à reculons, 2017
Association Greenhouse, Saint-Étienne
Photos : © Blaise Adilon
Extrait du texte de présentation de l'exposition, par Maxime Lamarche, 2017
"Le titre de l'exposition fait référence à une erreur cinématographique dans le premier blockbuster de l'histoire : Jaw. On y voit le requin géant nager en arrière pour s'extraire d'une situation délicate, or le requin ne sait pas effectuer ce genre de mouvement. Partant de cet oxymore visuel, Maxime Lamarche construit sa narration autour d'une installation immersive d'envergure se révélant au visiteur par le concours d'un automate circulaire construit sur mesure pour le lieu. Agissant comme le scénario mécanisé de l'exposition, l'automate métallique muni de capteurs plonge dans le noir les 300m2 de l'installation, au rythme d'un éclair lumineux intermittent. L'orage gronde. L'espace en mode « black cube » se révèle en fonction de la déambulation du visiteur, activant des images lumineuses dissimulées par l'obscurité générale. Les deux roues en acier mises en mouvement par un moteur électrique agissent comme l'œil du cyclone, le cœur de la tempête post-industrielle.
Read more
Les deux images montées en caissons lumineux (des enseignes de magasins en faillite, récupérées et détournées) ont été photographiées en Espagne par l'artiste. Elles nous montrent une gare n'ayant jamais été terminée, entre Teruel et Alcaniz, avec un faux air de western. Pourtant la moisson est terminée, en effet entre ces deux villes une ligne de chemin de fer n'a jamais vu le jour. Commencés en 1927, les travaux sont abandonnés successivement en 1929 suite à la première crise économique et en 1933 avec la guerre civile qui monte. La participation à l'effort de guerre qui s'abat sur l'Europe en 1939 lui sera définitivement fatale. Délaissée par Franco, la ligne restera comme une cicatrice dans le paysage espagnol sur 200 kilomètres. Terrassements, ponts, tunnels et gares sont là, le cœur ouvert, attendant leurs rails pour l'éternité. Ruines contemporaines.
Évidemment cette crise en évoque une autre, celle de 2006 qui frappa l'Espagne avec violence suite à de trop fortes spéculations immobilières et aux financements toxiques dont le pays ne se remettra probablement jamais. Laissant plus d'un million de logements vacants et autant de bâtiments ouverts aux quatre vents. On peut aussi dire que la recontextualisation de ces images dans la ville de Saint-Étienne fait particulièrement écho à sa propre crise. Plongé à nouveau dans la mine, le visiteur en ressort accroché au train fantôme de l'histoire.
L'installation nous invite à réfléchir sur les cycles d'émergence de la crise, par son dispositif en mouvement, lumineux et sonore. Au cœur d'une mécanique post-industrielle. Ici dans une ancienne usine, convertie en laboratoire artistique. Greenhouse !