Note de Mengzhi Zheng
Note de Mengzhi Zheng
Pour l'exposition À table !, GAC d'Annonay, Catalogue aux Editions Jean-Pierre Huguet, 2019
Comme je le fais pour chaque exposition personnelle, je présente mes œuvres en fonction du lieu qui m'accueille. J'ai connu le GAC lors d'une précédente exposition collective « Le monde ou rien » en 2017 et j'avais déjà bien à l'esprit son dessin architectural pour envisager en amont la manière dont je pouvais investir cet endroit, lorsque j'ai été invité à proposer un projet.
Lorsque je m'installe dans un espace d'exposition, c'est toujours dans l'objectif de lui donner une autre lecture, d'étonner le visiteur. C'est aussi lui donner l'occasion d'un parcours, d'une déambulation dans les formes et les couleurs, à travers les lignes et différentes échelles entre plats et volumes.
Pour le GAC, je ne voulais rien aux murs afin de m'éloigner d'un accrochage « classique » mais également afin de repenser la manière dont j'ai l'habitude d'installer mes sculptures. L'idée de surélever un nombre de petites sculptures et les poser sur des tables, m'a paru évidente dans la salle principale. Dans la pièce centrale, la grande sculpture sur table, Dedans/Dehors – Amsterdam, a été réalisée lors de mes séjours dans cette ville et où j'ai été invité à exposer à The Merchant House au printemps 2018. C'est le fruit d'une « impression spatiale » durant mes déambulations dans la ville... D'autres suivront.
Mon travail parle d'espace. Cela se traduit par des dessins, des gravures et des photographies, mais surtout par des sculptures. Emblématique de mon travail, la série des Maquettes Abandonnées, que j'ai entamée depuis 2014. À partir de morceaux de papiers, de cartons et de tout un bric-à-brac que j'ai sous la main, j'ai utilisé de la colle pour assembler ces fragments et monter des sculptures en mikado. Dans cet exercice, les prises de décisions plastiques se font rapidement. Différents paramètres, comme la couleur ou la courbe, sont depuis venus enrichir le travail. Ce ne sont pas des maquettes d'un architecte, car elles n'ont pas vocation à être reproduites à une autre échelle et encore moins à être fonctionnelles, comme c'est le cas pour une construction architecturale. Si elles sont habitables, c'est pour un instant et par l'imagination.
Sur un autre point de lecture dans l'occupation spatiale, il y a une autre approche de mon travail à l'espace qui joue sur les plis et les formes. Dans ce cas, la sculpture peut devenir maquette pour ensuite s'agencer « dans » l'espace d'exposition. Ce n'est plus seulement le regard et la projection mentale qui importent mais le rapport du corps aux volumes. Le corps est donc davantage sollicité. Le plus souvent, il s'agit de grandes installations dans lesquelles nous pouvons pénétrer, les traverser, les « habiter », d'une manière transitoire et poétique.
Espace total. Il m'a paru évident d'occuper tout l'espace du GAC, y compris le grand couloir rectangle séparé par des passages, comme s'il était détaché du reste.
Mon intention, dès la première réunion de travail, était de réaliser un dessin géométrique abstrait sur l'ensemble des murs avec des rouleaux de papier de couleurs provenant des usines Canson installées à Annonay, mais la réalisation n'a pu aboutir...
Une seconde idée fut d'utiliser les matériaux que j'avais récupérés lors d'une précédente installation dans l'espace des anciens thermes nationaux des Piscines-Pétriaux, lors de ma résidence, invité par le Solarium Tournant à Aix-les-Bains l'été dernier.
J'ai constitué un fragment d'un Pli/Dépli-pour-le-GAC, une structure semblant sortir du mur dont l'autre partie serait encastrée dans le plein que représente le mur. L'installation est articulée comme un dessin au crayon dans l'espace par lequel on passerait en dessous pour se diriger vers les dernières tables où sont posées collages et gravures. Les Plissements (les dessins aux murs) nous accompagnent vers la dernière photographie qui nous regarde depuis le mur d'en face et nous emporte vers un autre horizon sans intervention humaine.
Dans les différentes salles, je présente essentiellement des pièces récentes. Les plus anciennes n'ont jamais ou rarement été montrées, comme ces eaux-fortes qui marquent le début d'une réflexion sur l'architecture des villes et de ce qui en découle maintenant dans mon travail que vous voyez aujourd'hui.
Certaines œuvres sont inédites. La série de photographies « Kuća » (littéralement maison en bosniaque) fait partie d'un ensemble de 34 images prises sur le vif, de la voiture pendant un voyage entre Lyon et la Bosnie. La voiture va vite, l'objet architectural vient à moi en même temps que je viens à lui. La prise de vue est rapide. Je n'ai pas le droit à l'erreur ou alors l'erreur devient la photo. Elle est sans retouche, imprimée telle quelle. Ces photos fonctionnent dans cet espace comme des ponctuations, car elles rappellent l'omniprésence des abris habitables et permettent à l'imagination de se déployer sur plusieurs plans dans un jeu de va-et-vient.
De plus, douze Collages - impression numérique - ont été spécialement réalisés pour cette exposition. Ils sont édités par l'artothèque du GAC. À partir d'un magazine, je découpe des fragments me permettant de constituer des paysages géométriques abstraits. Puis, par le biais de l'outil numérique, je rassemble sur la même image deux photographies de la série « Kuća ».
Il importe de préciser que l'artothèque du GAC vient de faire l'acquisition d'un premier travail d'estampes issues de collages, cinq lithographies couleurs éditées par l'URDLA de Villeurbanne lors de mon exposition personnelle Labitat en 2016-2017.