Texte de Pascale Riou
Catalogue, Édition Solarium Tournant, 2019
Durant la résidence Solarium, Mengzhi Zheng a dessiné dans l'espace de nouvelles formes. Ces sculptures sont apparues par séries et ont été les témoins d'une relation empathique avec l'architecture : la forme – comme l'espace dans lequel elle prend place – parle et regarde. L'artiste lui accorde toute son attention, laisse les gestes la construire, sent quand l'œuvre est finie.
Il a développé ici ses sculptures dans ses deux échelles de prédilection : l'échelle de la maquette et celle du corps humain. La première permet la fabrication sans travail préparatoire d'un objet au statut ambigu, quasi domestique mais ne renvoyant pas à un usage potentiel. Ces architectures ne ressemblent à rien de connu, mais existent en elles‑mêmes. L'échelle du corps humain – le corps comme 3/4 de la construction – permet quant à elle de travailler le volume en tant qu'un lieu perméable, que l'on peut investir temporairement de manière physique. Le jeu de pleins et de vides invite à traverser la structure, à l'appréhender de l'intérieur comme de l'extérieur.
La pratique de Mengzhi Zheng est celle du protocole. Inventer ses règles à partir de donnés venant de son activité et du lieu-moment de l'exposition ou de la résidence. Se déplacer avec ses outils minimum – ciseau et cutter – et quelques matériaux issus de projets précédents à recycler à l'envi – morceaux de bois, de plastique. Mais expérimenter aussi des outils et matériaux spécifiques – scie, vis. Faire connaissance avec les lieux, en l'occurrence le bâtiment des Anciens thermes nationaux, ses différents niveaux, ses vastes salles destinées à accueillir les usagers en nombre, ses autres petites pièces à usage personnel, le magasin et ses étagères encore remplies, la salle principale qui a servi de lieu d'exposition, les bassins qui ont été investis comme ateliers par les artistes et les commissaires. Puis récupérer des matériaux : dans le magasin où tout était resté sur place : supports de blocs notes, cintres, morceaux de bois divers ; dans les petites salles de repos ou de soin du premier étage : portes, boîtes en bois. Donc, faire avec, glaner, regarder attentivement, choisir, puis laisser faire la main. L'environnement de vie temporaire qu'a offert la résidence a aussi été pris en compte : les rues, les bâtiments, l'actuelle piscine, les parcs sont devenus autant de sources d'images mentales à partir desquelles œuvrer. Tout est potentielle inspiration pour être ensuite pensé, décomposé, recomposé, traduit et donner une forme sculpturale.
Le protocole est ainsi de faire avec le lieu, dans le temps imparti, mais aussi de faire en lien avec les œuvres précédentes, les processus déjà développés. Ainsi, les réalisations des premiers jours de résidence ont été deux « Maquettes abandonnées », à la suite de l'œuvre que l'artiste déploie depuis 2014, mais ont rapidement amené à « Des Contextures », série inaugurée ici et qui était présente dans l'exposition. L'idée de « Dedans/dehors », qui est née lors de son exposition précédente (The Merchant House, Amsterdam, 2018), a évolué pour laisser place au travail du volume clos, solide, troué néanmoins de quelques ouvertures. « Contexture - Pétriaux », une structure de 3,45 m de haut réalisée in situ a poursuivi ces expériences. La cohérence de la démarche et la construction d'un vocabulaire propre ont ainsi amené une série d'improvisations découlant les unes des autres. Ici, les architectures ont fonctionné entre elles et ont marqué les avancées de l'expérimentation : la complexification progressive des volumes, composés de plus en plus d'angles, de recoins et de jeu dynamiques d'équilibres, de pleins et de percées, est venue de la complexification progressive des gestes.
Cette expérimentation de l'objet concerne avant tout l'artiste dans l'interaction étroite qu'il noue avec celui-ci lors de la fabrication. Puis dans un second temps l'expérimentation est laissée au visiteur, qui peut appréhender l'objet par son regard, son imagination comme par son déplacement physique – qui peut l'habiter momentanément. Ces nouvelles œuvres ont poursuivi les tâtonnements continus de l'artiste, fabriquent de nouvelles transitions sculpturales dans son œuvre et déplacent sa pratique, rencontrant celles de Sarah Feuillas et Laurent Millet et dialoguant avec l'architecture disparaissante des Anciens thermes nationaux d'Aix-les-Bains.