Texte de Nadège Marreau
Communiqué de presse pour l'exposition PMMP, Galerie Interface, Dijon, 2008
La PMMP est une construction de béton qui se trouve au sommet d'une colline artificielle. Le bâtiment se compose de deux étages en sous-sol et quatre en surface. Chaque niveau se compose lui-même de trois panneaux de haut et quatre de large. Chaque panneau mesure 118 x 118 cm. (Un étage mesure donc 3,54 m de haut et 4,72 m de large).
Les étages ne se visitent pas mais servent uniquement au personnel. Celui-ci est constitué d'une dizaine de personnes qui travaillent à la réalisation d'expositions en perpétuel accrochage et décrochage. Comme son nom l'indique, la villa de la Petite Maison de la Matière Première s'intéresse aux problématiques esthétiques, philosophiques et matérielles ayant attrait à la matière première. Au fond c'est tout !
Le véritable espace d'exposition se trouve sur les façades extérieures du bâtiment. Des monte-charges sont fixés sur chaque face de la bâtisse et permettent ainsi aux murs d'images de changer continuellement. (...)
Ce matin, à la radio : Comment relever le défi des ressources rares face à la flambée des cours des matières premières ? Sujet au combien d'actualité, les matières premières sont, en ce moment et plus que jamais, au centre des préoccupations. Niek Van de Steeg s'intéresse depuis longtemps à leur traitement, leur utilisation et leur récupération. À l'image de sa pratique, l'artiste inscrit son exposition à Interface comme le développement d'une démarche amorcée en 1994, à l'Atheneum à Dijon.
A l'époque, Niek Van de Steeg avait travaillé avec la Communauté d'Emmaüs. Avec leur aide, il avait construit l'étage R de TGAD avec des matériaux de récupération. Pour son nouveau projet, l'artiste a souhaité rencontrer Pierre Fernagu, directeur d'Emmaüs à Norges-la-Ville. Ensemble, ils ont soulevé la question de l'évolution du tri des matières premières depuis 1994.
A l'occasion de son exposition à Dijon, Niek Van de Steeg se lance de nouveau dans un projet fictif : la PMMP (Petite Maison de la Matière Première). L'espace ressemble au showroom d'un cabinet d'architecte. Tout y est : maquette, panneaux explicatifs, schémas, textes, données historiques, économiques et physiques. A l'identique de la maquette, les murs de l'appartement sont quadrillés d'une multitude de carrés colorés. L'espace comprend aussi des tableaux des logos de matières premières tels que le café, le cacao, le vitriol, l'eau, le charbon... A ceux-ci s'ajoutent des tableaux noirs explicatifs. Mais ne nous y trompons pas, il s'agit d'un projet utopique. L'artiste nous invite dans un ailleurs entre réalité et imagination. Comme pour ces deux précédents projets, Le Pavillon à Vent et de la TGAD (Très Grande Administration Démocratique), la Petite Maison de la Matière Première est un projet fictif qui s'articule autour d'une architecture. L'architecture est la manifestation de quelque chose qui est à la fois un objet de contemplation et un objet utilitaire. Avec le modernisme et le constructivisme, l'architecture et l'art se sont rejoints en donnant une place très importante à l'utilitarisme.
Dans la TGAD, par exemple, l'architecture n'est pas importante en soi. Ce qui importe, c'est que ce bâtiment permette d'imaginer un fonctionnement avec des gens, des contraintes, un budget, une écologie. La TGAD est un projet de société utopique. Le bâtiment de la PMMP se situe quant à lui à l'échelle du possible.
Dans l'espace d'exposition, on découvre le schéma de tri des matières premières par Emmaüs en 1994 et en 2008, un graphique indiquant les variations des cours des matières premières, un texte descriptif de la PMMP... Toutes ces informations didactiques et scientifiques sont notées sur des tableaux noirs. Le tableau noir, cet objet de transmission du savoir est récurrent dans l'œuvre de Niek Van de Steeg.
La naissance du tableau noir remonte à la présentation de l'étage C de la TGAD. Le tableau noir serait un tableau en tant qu'objet de collection. Il permet à la fois de faire une image définitive, quand il est collectionné et qu'on l'encadre. Il est aussi un symbole de mon travail en mutation perpétuelle. Lorsque les tableaux sont présentés dans une exposition, ils ont un statut définitif mais après, tout est effacé. Ces tableaux ont souvent une fonction informative, pédagogique. Ils véhiculent des leçons. Comme les matières premières, ces informations peuvent être intégrées, mise en relation ou pas. C'est cette contradiction entre ce qui dure et ce qui disparaît qui m'intéresse. Rien ne disparaît, tout se transforme.
Plus qu'une pratique du recyclage d'idées, projet après projet, Niek inscrit son œuvre dans une véritable éthique de travail.