Texts
Entretien
Par Jérôme Dupeyrat, 2017
Entretien
Par Jérôme Dupeyrat, 2017
Un-Deux-Trois-Soleil
Par Lionnel Gras
In Entropie, Éditions Head-Genève, 2014
Un-Deux-Trois-Soleil
Par Lionnel Gras
In Entropie, Éditions Head-Genève, 2014
La partie amère de ces délices
Par Jill Gasparina
In Pierre-Olivier Arnaud, Éditions ADERA, 2009
La partie amère de ces délices
Par Jill Gasparina
In Pierre-Olivier Arnaud, Éditions ADERA, 2009
Matière grise, portrait de Pierre-Olivier Arnaud
Par Mathilde Villeneuve
In ZéroQuatre n°1, automne/hiver 2007-2008
Matière grise, portrait de Pierre-Olivier Arnaud
Par Mathilde Villeneuve
In ZéroQuatre n°1, automne/hiver 2007-2008
Under explosure
Par Marie de Brugerolle
In Rendez-vous 07, Co-édition ENSBA Lyon, IAC Villeurbanne / Rhône-Alpes, macLYON, 2007
Under explosure
Par Marie de Brugerolle
In Rendez-vous 07, Co-édition ENSBA Lyon, IAC Villeurbanne / Rhône-Alpes, macLYON, 2007
Condensations
Par Marie de Brugerolle
In Mirror Ball, Institut français de Stuttgart et Art3 Valence, 2005
Condensations
Par Marie de Brugerolle
In Mirror Ball, Institut français de Stuttgart et Art3 Valence, 2005
"Je ne fais que me promener, déambuler, arpenter."
dit Pierre Olivier Arnaud.
"La photographie serait la trace de ce passage, d'un état physique à un état mental", précise-t-il encore. Qu'en est-il alors de l'acte photographique ? Il en irait là d'une prise à témoin d'une autre activité : la marche. Mais plus encore, ce serait la marque d'une transformation, comme en chimie l'on parle de "marqueurs" pour identifier les phases d'une évolution. Ce passage d'un état à un autre, est de l'ordre de la sublimation ou de la condensation.
La sublimation est le processus qui mène de l'état liquide à l'état gazeux (éthéré), tandis que la condensation serait le phénomène inverse, c'est-à-dire de l'état gazeux à l'état liquide. Quelle alchimie opère la prise de vue photographique chez Pierre-Olivier Arnaud ? La photographie a longtemps été pensée comme un art du réel, qui présenterait celui-ci "tel quel", avec cependant un écart temporel (un "retard" aurait dit Marcel Duchamp). Un art de l'immanence en opposition à l'art de la transcendance que serait la peinture, voilà le statut où longtemps la photo a été considérée. Et puis on s'est bien rendu compte que l'objectivité photographique n'était pas si fiable et derrière l'objectif, il y a toujours l'œil du sujet capteur. Enregistrer le passage du réel au sublime, c'est fixer cet état de condensation, dans lequel le sublime fait retour. Il n'y aurait pas un au-delà du réel, sublimé dans l'acte artistique, mais un effet boomerang d'un en deçà de l'image, où quelque chose de la vérité du monde se condense. C'est ce que pointent les photographies de Pierre-Olivier Arnaud, qui semblent être avant l'image et après le rêve, c'est-à-dire après la rêverie de la promenade, le choc de la rencontre fortuite. "Un va-et-vient entre immanence et rémanence".
"... soit la sublimation c'était bon pour l'art jusqu'au XIXe siècle, soit il faut revoir le concept de sublimation de fond en comble, parce que, tel qu'il est, il ne tient pas la route moderne d'un art qui, loin des consolations du sublime, semble dans la tension constante d'un retour vers le réel pas sublime du tout." Dit Gérard Wajcman dans "L'objet du siècle" (éditions Verdier, p165). Ce "pas sublime du tout" pourrait être remplacé par un "sublime immanent", c'est-à-dire non transcendantal mais pas abject pour autant.
Il y a d'abord cette série de photographies de 1996, sans titre, qui focalisent sur un bord, un angle, un coin. Flouté du détail pris au zoom, peut-être coin de moquette ou tranche d'un livre, le sujet n'est pas clairement identifiable. De format carré (60x60cm), elles sont noires et blanc, comme toutes les photos de Pierre-Olivier Arnaud.
Le travail évolue ensuite vers une série de paysages imaginaires (1997), toujours sans titre et de même format. Ici, microcosme et macrocosme d'identifient, ramenés à la même échelle. La quadrature de l'image dessine la portion, section de nature qui est la base du paysage. À partir de 1998, les détails se précisent et deviennent reconnaissables : neige, lampe, herbe. La révélation, si j'ose dire, s'opère à partir de 1999, avec une série d'intérieurs qui semblent ceux de bureaux ou de bâtiments administratifs, dont le mobilier date des années 70.
Entre abandon et inaction, les banques d'accueil deviennent de potentiels bars de salle de fête, après la fête. Les portes vitrées, ouvertes en butée sur un mur, n'ouvrent plus sur les corridors qui eux-mêmes ne semblent mener nulle part. Désœuvrement de ces espaces sans travail, que la photographie constate. L'obscurcissement de l'image rappelle la qualité des premières photographies argentiques, mais ici le sujet n'est pas romantique, plutôt fantomatique. Pierre Olivier Arnaud ne sublime pas du côté de l'icône, il ne transcende pas le réel, mais pourtant il fait encore image à partir de celui-ci. Il fabrique une réalité nouvelle, parallèle, qui n'est pas un écho mimétique au présent mais lui confère un passé. Ces images sont chargées. Elles appartiennent à une histoire, celle, sociale et humaine du monde du travail, mais aussi d'un monde moyen, sans bords. Leur périmètre ne va pas au-delà du cadre. Il n'y a rien à deviner plus loin, pas de perspective ni de périphérie. Elles sont déjà périphériques, c'est-à-dire que leur centre est neutre. Ce sont des images du tiers, du tiers instruit dirait Michel Serres, c'est-à-dire qu'elles portent la conscience de cette histoire, comme les meubles seraient les témoins d'un passé révolu, elles sont hantées. Le drame n'est pourtant pas théâtralisé, joué jusqu'à la catharsis, on pourrait dire même qu'il ne se passe rien. Mais quelque chose s'ordonne. Une nouvelle objectivité pas si propre, sans message. Dans "entretien", 1999 (60 x 70 cm), ce qui semble une table avec un plateau de verre horizontal compose un axe en croix. Cependant, ce pourrait être aussi bien un élément microscopique, une miniature bricolée. Et de fait, le rapport d'échelle est souvent problématique dans les œuvres de Pierre-Olivier Arnaud. Dans "entretien (vr01)", 1999, (60 x 70 cm) et "entretien (sans titre-please wait loading)", 2000, (60 x 75 cm), l'élément naturel (les plantes, bosquets, pierres...) donne une mesure. L'encadrement des portes ou des fenêtres permet d'imaginer alors la place que prendrait un humain là. Mais jamais une figure ne vient animer ce qui dès lors s'organise en décor dans notre imaginaire. "entretien (sans titre-please wait loading)", 2000 (60 x 75 cm) est exemplaire de cela, en ce que la temporalité y semble suspendue. Un échafaudage posé devant une fenêtre, que vient filtrer une bâche ajourée en filet pour retenir la poussière des gravas, et puis dans un coin, un tissu plus blanc. Au sol, quelques scories des travaux en cours laissent penser qu'une action a lieu ou a eu lieu dans ce cadre. Rien ne bouge, les plis des tissus ne sont pas les traces du vent ou du passage d'un homme. Les titres précisent "please wait loading", c'est-à-dire, "s'il vous plait, attendez le chargement". C'est la formule utilisée pour faire attendre l'usager de l'ordinateur, le temps du chargement d'une information, d'une image. De fait, devant cette série où un "entretien" a cours, nous sommes requis pour attendre que quelque chose "se charge". De quoi s'agit-il ? De quel entretien? Un nettoyage en cours ? Ou bien un dialogue inachevé, ici le jeu d'homophonie n'est pas réglé. Ou bien un échange a lieu, de l'ordre du langage, entre deux personnes, ou bien nous sommes devant un lieu qui n'est pas dans son état intégral, soit sale, soit en réparation. Le titre ne tranche pas. On nous demande d'attendre le passage d'un état à un autre. Il s'agit bien là encore d'un passage dont nous parlait Pierre-Olivier Arnaud au début de ce texte. "Entre-deux", et pourtant intransitifs, les espaces de Pierre-Olivier Arnaud ne sont pas des inventaires d'une réalité datée. Ils pourraient appartenir aux années 20/50/60 du XXe siècle, tout autant en Europe ou en Russie ou en Amérique du nord. Ainsi cette vitrine de miroirs de salle de bains portables, dont les faces convexes reflètent la lumière du ciel et les bâtiments adjacents ("entretien (sans titre-please wait loading)", 2000 (60 x 45 cm). La lumière joue un grand rôle dans ces images. Qu'elle soit la grille d'un néon dans une salle d'attente, la brillance du sol du métro où se reflètent les éclairages, ou cette lampe d'architecte dont le "chapeau" présente une blancheur qui véritablement troue l'image. Dans cette dernière œuvre (sans titre (aaton)", 2002, l'incongruité et "l'inquiétante étrangeté" proviennent de cette simple tache blanche qui révèle d'un coup la grisaille du reste. Pierre-Olivier Arnaud détient cette magistrale rigueur qui lui permet de moduler les gris, rare chez la plupart des photographes qui jouent de la forme et du contraste. Ici se produit une image par touches, un peu à la Seurat, qui nous fait face. Et c'est en cela que ce travail est incroyablement contemporain et toujours moderne : faire face aux images et tenir debout, c'est bien encore, une révolution possible.
Entretien avec Pierre-Olivier Arnaud
Par Sylvie Vojik
Réalisé pour l'exposition à Néon, Lyon, 2003
Entretien avec Pierre-Olivier Arnaud
Par Sylvie Vojik
Réalisé pour l'exposition à Néon, Lyon, 2003