Le sacre d'un cri
Le sacre d'un cri
Par Anaïs Goënièvre, 2014
À propos de l'exposition Memory Lane, Galerie du jour - agnès b., Paris, 2014
Il est une guerre contée par le film « NO MAN’S LAND » de Danis Tanovic. Une scène déchire le silence, le mensonge et l’aberration d’une humanité en proie à l’autodestruction : la réalité d’une tranchée, reflétant les coulisses d’un conflit.
À fleur d’une terre battue par le poids d’hommes vaincus, par le plomb en rafales tiré, le corps d’ un homme à demi conscient vient d’être disposé, condamné, sur une mine.
À cette énième bataille, deux individus survivent : un soldat serbe et un soldat bosniaque.
Malgré une solitude commune, ils ne tarissent pas d’aviver contre l’autre la flamme de l’hostilité quand, l’un de dire : « Qui a commencé la guerre ? » Cet appel…
Damir Radovic s’en empare, le convoque, le met en lumière dans le fil blanc et électrique d’un néon : « Who started ». Qui ? Comment ? Pourquoi ?
L’Art n’est il pas ce lieu, aux confins d’une liberté dupée, où les hommes ont force et devoir de résistance ? Le cœur au bout des doigts, la colère transcendée par l’iris de la pensée, l’artiste revêt, à la main, les murs d’une seule imploration, celle-là même qui peuple l’esprit de ceux qui subissent les guerres : « Comment la guerre a-t-elle commencé »… « Comment la guerre a-t-elle commencé »… « Comment la guerre a-t-elle commencé »…
Sur ce ruban noir déroulé à l’infini, plusieurs tubes, comme des coups de pinceaux, d’un rouge vif et phosphorescent apposent sur la toile de la paroi le visage de l’homme qui crie d’Edvard Munch, couronné d’une auréole. Ci-gît Sa Sainteté le Hurlement. Peint entre 1893 et 1917, l’artiste norvégien annonce dans cette peinture les horreurs à venir.
Damir cite les courbes de ce Cri historique, comme l’on se souvient d’un cauchemar vécu.
Puis, il insiste sur ces yeux qui nous avisent de notre propre finitude tout en nous libérant de la peur qu’elle induit inexorablement.
Tour à tour autoportrait et vanité, « How the war started in… » de Damir Radovic porte en son flanc la prémonition du monde perçu par le peintre expressionniste et, présente à jamais le cri, comme unique et ultime issue.