Depuis une année je produis un corpus de dessins numériques sur une tablette pendant mes déplacements hebdomadaires en train. Ces images sont des commentaires, des interrogations, une chronique du monde comme il va.

Le temps de mes transports, toujours le même, crée une contrainte, un cadre, dans lequel je dois produire vite et sans repentir. Cet espace-temps très différent de celui de l'atelier génère une écriture peu filtrée et sauvage.

Ce travail répond à une envie que j'ai depuis plusieurs années d'utiliser les couleurs-lumières du numérique. Je suis joueur et collectionneur de jeux vidéos, un univers graphique qui infuse déjà ma peinture depuis longtemps. Je suis à l'affût de la scène vidéoludique indépendante, elle produit des représentations assez brutales (Mother russia Bleeds / Devolver), directes, très vives et punk, éloignées des problématiques des rendus photo-réalistes des blockbusters. Avec cette série d'images je m'accapare la couleur numérique, crue et décadente, qui rebondit, flashe, scintille et aveugle.

Le dessin sur tablette me permet de mobiliser instantanément des effets picturaux variés : flous ou dégradés aérographiques, transparences de type lavis, étirement des formes, pour composer des images dans un flux sans hiérarchie. Je peux intégrer des fragments de photos, les dupliquer, mobiliser des patterns pré-enregistrés (colonne vertébrale, arc-en-ciel...) ou encore jouer avec l'aléatoire ou les bugs (glitch). Cela déchire mon écriture et me rapproche du collage ou de l'appropriation comme dans un morceau d'Aphex Twin.
Cette pratique particulière fait écho à celle de l'écrivain et journaliste Kamel Daoud qui a tenu pendant quinze ans une chronique dans le quotidien d'Oran. Il s'agit de produire en dehors du temps de l'analyse, un commentaire percutant et engagé sur notre époque.

Ce projet est soutenu par La Fondation des Artistes et par la DRAC Auvergne-Rhônes-Alpes.