24311, Tel-Avivunia Israel
24311 Tel-Avivunia Israel
À l’été 2013, un faucon crécerelle est aperçu par les habitants d’Altinayva, village turc de la province d’Elazig, tandis qu’il effectue un vol stationnaire. L’ayant capturé, les villageois découvrent à sa patte une bague de marquage où ils peuvent lire l’inscription suivante : 24311 TEL AVIVUNIA ISRAEL.
Bien que le baguage d’oiseaux ne soit pas normé à travers le monde, il est assez inhabituel que la ville de provenance soit mentionnée si précisement. Rapidement soupçonné d’être un espion à la solde du Mossad, services secrets israéliens, l’animal est livré aux autorités locales qui procèdent à divers examens, le passent aux rayons X, avant d’admettre qu’il ne porte pas sur lui de dispositifs de renseignements et de lui permettre de reprendre son vol.
Basé tant sur les mouvements de l’animal que sur la provenance de la bague, ce soupçon jaillit dans un contexte régional tendu où tout événement même anodin peut être interprété de manière signifiante sinon paranoïaque. Peut-être que la liberté de mouvement de l’oiseau, établi sur un territoire englobant plusieurs pays et faisant fi des frontières, contribue à faire de lui un élément suspect.
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Installation, diorama 1/220e, gravure sur aluminium, photographie, collage, dimensions variables, 2015
Vues de l'exposition Darker and darker grows the landscape (la possibilité d'une île), Le Commun, Bâtiment d’art contemporain, Genève, 2015
À partir de ce fait divers, Max Bondu génère ce que l’on pourrait qualifier de fiction, ou plutôt une perspective de l’histoire possible. Considérant le numéro de marquage du faucon comme un matricule, il spécule sur le potentiel contingent d’espions par le biais de plaques d’aluminium gravées, comme prêtes à l’emploi pour le baguage et dont les numéros prolongent le matricule source. Et la paranoïa s’insinue dans l’installation : le village turc vu du dessus, étrangement insignifiant, ne serait-il pas le théâtre de futures opérations militaires ?
Comme souvent dans le travail de Max Bondu, l’installation fonctionne dans un réseau d’interférences comme une extension de la réalité, un prolongement presque logique mais légèrement divergeant, créant un lieu où la fiction permet, dans le décalage, de regarder la réalité avec plus d’acuité.
Vues de l'exposition Darker and darker grows the landscape (la possibilité d'une île), Le Commun, Bâtiment d’art contemporain, Genève, 2015