Max Bondu
Updated — 04/07/2024

Adirondacks

Adirondacks / Guam

"I wish I could tell you about the South Pacific" telle est la phrase introductive de la série de nouvelles intitulées Tales of the South Pacific de James A. Michener, parues en 1948, dont s’inspire le titre de l’exposition [Tales of the South Pacific, Stargazer, Genève]. Michener y relate, par de courts récits, les épisodes de guerre menés par l’armée américaine dans le Pacifique sud. À la manière d’un conteur, il évoque avec ambiguïté la beauté des îles, tout en abordant les conflits qui font rage ainsi que les différences culturelles inévitables entre soldats et autochtones.

Maxime Bondu semble fonctionner sur le même mode. Tel un historien, il fouille, cherche et travaille à partir d’archives et de documents afin de construire ses récits, qui sont imprégnés d’un passé historique lourd et d’une poésie déconcertante. D’un côté, un point de vue rêveur sur le Pacifique sud, de l’autre un questionnement sur la conquête de l’espace. Qu’il soit lieu d’expérimentation ou de colonisation, la question de l’espace est toujours affaire d’appropriation. Les fauteuils appelés "Westport chairs" ou "Adirondacks", font partie du mobilier traditionnel de la région des grands lacs aux États-Unis. Ils sont utilisés pour le confort, le repos et surtout la contemplation du paysage. Maxime Bondu en fait ce qu’il appelle des "sculptures documentaires" qui sont extraites d’une image, et déclinées d’un précédent travail de l’artiste. Là encore, il y a une ambiguïté entre la contemplation et ce que ces hommes contemplent ; soit une explosion nucléaire. Ces chaises sont assez incongrues dans un tel contexte, surtout lorsque l’on sait que l’image a été faite sur un porte-avion. L'œuvre oscille entre contemplation et terreur, se référant sans cesse au contexte qui semble refléter les névroses de l’homme postmoderne. [...]

— Bénédicte Le Pimpec, extrait de I wish I could tell you about the South Pacific, 2010
↗ Lire le texte complet

/


Adirondacks, 2012
Installation, tirage lambda, bois, 500 x 500 x 100 cm


Vues de l'exposition Tales of the South Pacific, Stargazer, Genève, 2010

La collection d’images de l’île de Guam offre à première vue, à travers ces paysages montagneux et désertiques sur fond d’océan, une vision heureuse et mélancolique, presque cliché. La faune, la flore, les habitants, les coutumes, les paysages idylliques, nous font presque oublier que cette île n’est pas qu’un paradis. Colonie espagnole progressivement assujettie à la conversion forcée au catholicisme entre le XVIIe et le XIXe siècle, elle est ensuite cédée aux États-Unis. Occupée un temps par les Japonais, elle est reprise par les Américains en 1944 et devient une base militaire en 1950. Les images ici présentées sont extraites d’une vaste collection de diapositives acquise sur Internet, montrant l’île dans les années 70. Abimées, ces photographies ont été retouchées mais surtout remasterisées, avant d’être confiées de nouveau à leur support initial, la diapositive 24×36. Sur le film positif, les zones vierges causées par l’usure du temps ont été complétées méthodiquement, à la recherche d’une couleur et d’une texture véridiques. Situé entre la cicatrisation et le camouflage, cet acte excédant la simple restauration opère ici comme une réinvention du fragment initial dans des paysages qui ont perdu l’innocence et la spontanéité de leur exotisme originel. À l’origine souvenirs de guerre ou de vacances, ces photographies se transforment ici en réinterprétation discrète d’une imagerie idyllique ayant longtemps servi comme motif de conquête.

/


Guam, 2012
Installation, diapositives, dimensions variables