Passer
Passer. Désert aller retour, 2002-2005
Série constituée de 30 images
Tirages pigmentaires N&B ou couleur sur papier d'art Hahnemüehle
Encadrement bois teinté sans verre ou avec verre anti-reflet
Images seules : 20 x 30 cm ; 40 x 40 et 40 x 60 cm ; 60 x 90 cm
Diptyque : 60 x 180 cm / Triptyque : 18 x 70 cm
Ce que j’entrevois « en passant » évoque précisément l’inverse du sentiment d’éternité fixe qui se dégage du désert.
Tout semble arrêté, quand tout n’est que mouvement.
Même le temps ne s’y retrouve pas.
Le passage serait le seul mode, comme celui d’être au monde.
Passer alors et, dans ce mouvement, voir ce qui (se) passe.
Partout la vue porte si loin que l’on se sent près de tout et, tout à la fois, séparé et seul.
« Ici on a le temps qui passe. Nous on reste... »
Ils sont assis. Ou ils marchent suivant une route sans fin. Ou, plus incroyable encore, ils ne suivent aucune route.
Ils marchent en plein dans le paysage, comme s’ils savaient où aller.
Ces images ont un lien essentiel avec la matière qui les fabrique.
Le paysage se colore sous mes yeux. La couleur devient pigment comme la roche. Avec la vitesse, la couleur se déplace.
Ici, j’observe que la couleur devient excessive, presque douloureuse.
Là, je m’arrête : la couleur soudain se concentre, elle se crispe.
Parfois se simplifie au point de devenir noir ou blanche.
Je regarde la lumière séparée de l’ombre.
Le noir & blanc, pareil à la couleur.
Est-ce aussi une part du sujet, cette couleur qui excède, qui effraie presque ?
Ou bien est-ce l’immensité qui, embrassée du regard, met à vif les perceptions ?
Je choisis une technique de dépôt, un support de papier totalement mat, pour la couleur et pour le noir & blanc.
Le dépôt de l’encre à pigments convient parfaitement au désert, ce lieu qui n’est jamais tout à fait fixé, comme le sable de la dune.
L’air est sec. Le sable et la couleur volent.
Noir et blanc se séparent au même point que mobilité et fixité.
Tout va infiniment lentement...
C’est l’exact envers de la vitesse, mais pas son contraire.
Quand le paysage change à la même vitesse que nous, aucun effet de flou ne vient troubler nos perceptions.
— A.B.
L'esprit du désert, Livre d'artiste, 2010-2011
Photographies Arièle Bonzon, Texte Laurent Bonzon
Maquette conçue et réalisée par l'artiste, Tirage de 30 exemplaires signés et numérotés,
sur Papier d'Art sans acide, impression encres à pigments, ainsi que 7 exemplaires H.C.
Le Réverbère, édition & cie, Lyon, 2011
Depuis les toutes premières expositions de cette série, j'ai souhaité réaliser l'édition d'un objet léger, de faible encombrement, que l'on puisse emporter avec soi. Le souvenir de ce passage au désert étant resté très vif, ce désir ne m'a jamais quittée. Laurent Bonzon, voyageur dans mes photographies, a depuis écrit un texte et j'ai aimé ce regard en abîme, de route en désert, de photographe en aventurier, collé au siège sur le versant des mots, indicateur de surfaces et de profondeur. J'ai peu à peu mis au point un prototype, moins livre que recueil. Il fallait qu'il soit l'objet physique et mental qui, comme une photographie, raconte et poursuive le voyage avec moi. Précieux et simple, une sorte de nécessaire d'urgence pour voyageur fixe.
L'édition est composée d'éléments de petite taille, rassemblés dans une boite, enveloppée d'une étoffe fabriquée comme une peau. On ne trouve dans la boîte aucune boussole mais une fragile carte du voyage, des tirages miniatures, cartes postales d'instants, regards ponctués de signes, de mots et de silences.
Réalisé, comme les œuvres originales, sur papier d'Art sans acide par impression d'encres à pigments, le tirage est limité à 30 exemplaires numérotés et signés à la main. Il existe 7 exemplaires « épreuves d’artistes » et le format de l'objet fini fermé est de 220 x 155 x 2 cm.
— A.B.
« L'esprit du désert. Entre jour et nuit, entre vitesse de la couleur et silence du noir et blanc, entre horizontalité vertigineuse et percée dans la profondeur – de la route, de l'espace, du temps. Saillie photographique. Un mouvement que capte l'appareil. Il faudrait pénétrer, suivre l'invitation, mais l'on ne fait que passer, à peine plus vite que le paysage dont la logorrhée intense et secrète nourrit ce défilé. Il faudrait s'arrêter pour se mesurer à ce qui nous arrive, à ce qui arrive à nous ; mais la mort doit plus ou moins ressembler à cet arrêt. Alors plus vite encore... On fouette ! Le paysage est un mirage solidifié. Hésite, tremble, disparaît derrière nous. J'y suis, je n'y reste pas. Mon œil fixe, mon œil est fixe, mon œil. » (...)
— Laurent Bonzon (extrait)
« L'esprit du désert, évoqué par Laurent Bonzon dans le texte écrit en regard des photographies, est celui qui survit au voyage car il se prolonge bien au delà de lui. Il se joue de l'espace et du temps et continue sa course en chacun. Par hasard il devient quelquefois une rose des sables, ou autre chose, chose précieuse qui pourrait être gardée pour soi mais que, certains soirs, avec quelques personnes, l'on voudrait pouvoir ouvrir avec précaution et partager, aussi simplement que l'on partage un bon repas. La traversée se prolonge, on pourrait y reconnaître une rencontre, avec un avant et un après. C'est cela qui prendrait ainsi forme malgré le temps dans cette édition, une impermanence qui dure, où mots et photographies font route ensemble, comme frère et sœur. »
— A.B.