Memento
Par Karine Mathieu, 2019

Delphine Balley chasse les images.

De sa fabrication à l'histoire même du regard, elle tente de percer le mystère des apparitions visuelles. Entre dispositif technique et façonnage du réel, la photographie possède cette facétie de pouvoir détourner l'avéré. Les temps de pause, la lumière et autres artifices mécaniques participent à cette croyance ambivalente que les appareils optiques peuvent aussi renfermer des fantômes.

C'est au cœur de ce dérèglement des discernements que l'artiste élabore une manufacture du voir : entre image physique et image mentale.
Sa pratique de la photographie, qu'elle soit fixe ou en mouvement, puise dans la force de ce médium, le secret des phénomènes.

Avec sa chambre noire, Delphine Balley se joue des mécaniques de la réalité pour capturer cette dualité de la représentation : preuve tangible du réel, perception invisible, mise en scène et magie spatiale. La vision se dévoile dans les interstices d'une dichotomie : la vérité est-elle dans l'image ?

L'artiste utilise les techniques chères aux illusionnistes du XIXe siècle pour créer « un théâtre du monde ». Entre enregistrement du réel et illusion, ses œuvres fixent des scènes construites où l'artifice prend toute sa puissance optique.
Dans une excursion de l'intime, elle nous entraîne dans les confins des certitudes et réanime l'âme des images.

Avec son nouvel opus « Voir, c'est croire », Delphine Balley dissèque les croyances en s'attachant aux groupes parallèles religieux. Elle en dévoile l'envers du décor. Comment les procédés photographiques basculent en outil du réel pour faire croyance ?

La photographie a toujours détenu ce pouvoir énigmatique de voyager entre les mondes visibles et invisibles.
Depuis les télescopes jusqu'aux microscopes, en passant par la camera obscura ou les lanternes magiques, l'homme n'a cessé de décupler notre capacité naturelle à voir. Sans cesse instrumentalisé, le regard bascule entre certitude et perception. Ce qui ne peut être décelé à l'œil nu, ce qui se révèle dans l'instant de l'immédiateté participe à cette fascination pour l'inconnu.
C'est dans cet intervalle, que les croyances naturelles ou surnaturelles développent toutes leurs facultés.

Au travers des détournements du croire, cette série met à jour le spectacle oculaire des confessions. Du trucage aux décors en cartons pâtes, l'artiste convie la magie et la religion dans un artifice de la réalité. Elle ouvre les voies divinatoires du pouvoir des images dans le cercle des communautés religieuses en dérives.
Rien ne transparait, l'énigme demeure.

« Voir, c'est croire », opère un véritable travail d'équilibriste entre les passages du rationnel à l'irrationnel. Ses photographies capturent une anomalie du comportement, une anomalie de l'espace vers une nouvelle appréhension des idéologies.

Delphine Balley met littéralement en tension le socle du savoir, du croire et du pouvoir pour mieux apostropher la véracité du regard.